Remode-toi ! #épisode 4 Nouveau Modèle

Diffuser des alternatives concrètes pour une mode responsable et durable : c’est l’objectif de “Remode toi !”.Nous avons rencontré dans cet épisode Chloé Cohen, journaliste et créatrice du podcast Nouveau Modèle, malgré la distance imposée par le confinement. Et nous avons parlé d’engagement! 

A travers le podcast qu’elle a créé en 2018, Chloé dresse le portrait de femmes fortes qui s’engagent à transformer le secteur de la mode : couturières, stylistes, entrepreneures, politiciennes, coordinatrices d’association de plaidoyer…. Elle leur laisse cet espace pour confier leurs histoires, la genèse de leurs projets et le cheminement de leurs engagements pour défendre le droit des travailleurs textiles et l’environnement. Qui sont les personnes qui s’engagent derrière la mode éthique et durable ? Comment elles s’engagent et pourquoi ? Comment on en parle ? Ce sont les questions que se pose Chloé Cohen à travers son podcast et qui font échos aux travaux d’engagement de l’association 4D : nous ne réussirons pas les ODD sans les citoyens, ou plutôt les citoyennes !

Nous lui donnons ainsi la place de s’exprimer à son tour pour montrer que l’angle de vue journalistique a toute son importance dans la réussite des objectifs de développement durable. Chloé juge que les médias doivent se tourner vers un journalisme de solution, un journalisme qui diffuse des initiatives positives et des pratiques durables tout en laissant personne de côté. Raconter notre société avec des récits de transitions réussis, c’est aussi la posture de 4D à travers les projets Our Life 21 et ses campagnes sur les ODD. 

On vous laisse découvrir le parcours de Chloé Cohen qui participe cette transformation du mode médiatique.

 

Le podcast de Chloé Cohen, Nouveau Modèle : 

Les épisodes : https://www.nouveaumodelepodcast.com/podcast-1/ 

Le challenge 11 jours pour adopter une garde-robe responsable : https://www.nouveaumodelepodcast.com/11-jours-challenge 

Facebook : https://www.facebook.com/nouveaumodele.podcast/ 

Instagram : https://www.instagram.com/nouveaumodele.podcast/ 

Twitter : https://twitter.com/NouveauModele 

 

Références dans l’émission :

Film documentaire The True Cost : https://truecostmovie.com/

Une du Parisien du 5 avril 2020 : https://www.pressreader.com/france/le-parisien-paris/20200405/page/1

L’effondrement du Rana Plaza – Qui est responsable et pourquoi sont-ils morts ? Comprendre la filière d’approvisionnement en vêtements… de achACT : http://www.ranaplaza.be/ranaplaza.php

Ce podcast s’inscrit dans le cadre de la campagne sur la mode éthique et durable “Wardrobe Change” dans laquelle nous sommes engagés depuis janvier 2020 avec nos partenaires européens du projet MESA “Make Europe Sustainable For All”. Le projet Construire une Europe durable pour toutes et tous a bénéficié d’une aide financière de la Commission européenne. Son contenu relève de la seule responsabilité des partenaires du projet Construire une Europe durable pour toutes et tous et ne peut aucunement être considéré comme reflétant le point de vue de l’Union européenne.

 

Bonjour Chloé, merci d’avoir accepté qu’on puisse se rencontrer malgré la situation particulière dans laquelle on est. Pour commencer l’interview, est-ce que tu pourrais te présenter à nos auditeurs et expliquer ce que tu fais avec le podcast Nouveau Modèle ?

Bien sur ! Bonjour, merci beaucoup de me recevoir et de me permettre de m’exprimer ici. On est à distance, c’est sympa, c’est une autre façon d’enregistrer des podcasts. Je m’appelle Chloé Cohen, j’ai 30 ans, je suis journaliste. J’ai créé le podcast Nouveau Modèle en septembre 2018. L’objectif du podcast c’est de mettre en avant une mode responsable et engagée, ou en tout cas des femmes qui s’engagent sur ce terrain-là et qui souhaitent proposer une alternative à ce qu’on appelle la fast fashion, donc à la mode jetable qui pollue, qui exploite les gens à l’autre bout de la planète. Le but c’est vraiment de mettre des alternatives positives en lumière, et des femmes qui s’engagent pour une mode plus éthique, plus durable, plus responsable, moins polluante. 

Et qu’est-ce qui t’a donné envie de créer le podcast et comment le projet s’est créé ?

J’ai eu envie de créer quelque chose autour de la mode responsable parce que j’ai vraiment eu une prise de conscience dans ma consommation, mais la mode est arrivée un peu tardivement. J’ai pris conscience d’abord via l’alimentation, via tous les produits de grande consommation, la beauté. Je pense parce qu’on a l’impression que ça nous touche plus personnellement : parce que l’alimentation c’est ce qu’on mange, les produits de beauté c’est ce qu’on met sur la peau… On a tendance à faire plus attention pour la santé peut-être et puis l’industrie textile c’est venu un petit peu plus tard. 

Et j’ai vécu à New York pendant 3 ans et c’est là-bas que j’ai créé le podcast. Et je pense que sur place je me suis vraiment prise en pleine face la société de consommation, d’ultra consommation, avec le plastique partout, les magasins de fast fashion immenses partout et j’ai pris conscience je pense des dérives à ce moment-là. 

Et je me souviens très bien du Rana Plaza, j’étais journaliste au Parisien à ce moment-là donc j’ai dû traiter le sujet. Ça aussi ça m’a beaucoup marqué, mais je pense que ça a pris un petit peu de temps avant de faire son bout de chemin dans ma tête, le temps de regarder des reportages comme The True Cost par exemple, de lire des livres, de regarder d’autres documentaires, de me renseigner. Il a fallu que je digère toutes ces informations avant de vraiment avoir conscience de l’impact. Et donc c’est pour ça qu’est né le podcast, je me suis rendue compte qu’il y avait vraiment matière sur l’industrie textile et que les gens étaient un peu au même niveau que moi au départ : on en avait pas vraiment conscience, on préférait pas trop y penser et puis surtout c’est une chose de savoir et après qu’est-ce qu’on fait parce qu’on est obligé de s’habiller. Donc je me suis dis qu’il y avait vraiment un besoin pour mettre en avant d’autres alternatives et montrer qu’il était possible d’acheter des vêtements autrement. Voilà c’est un peu comme ça qu’est né le projet.

Comme tu disais, c’est un projet où tu interview des femmes, volontairement. Comment est-ce que tu les choisies ? 

Alors il y a plusieurs façons. J’utilise pas mal Instagram pour faire ma veille, essayer de repérer des alternatives et des projets intéressants. Ça peut être aussi du bouche à oreille ou je suis contactée directement par des marques. Et après je m’attarde beaucoup sur la personnalité de l’invitée : Il faut vraiment que je sente que sa démarche n’est pas simplement pour sa marque, parce que aujourd’hui c’est important de faire attention. J’ai pas besoin que la marque soit parfaite, que la personne soit parfaite, ça n’existe pas de toute façon, ça ça m’importe peu. C’est vrai que je suis souvent démarchée par des marques, des très gros projets, tout est chouette, mais il faut vraiment que je sente que la personne me touche, que le projet est un peu différent, que la femme aie une histoire à raconter. Donc voilà comment je les choisies.

Tu tournes beaucoup tes interviews autour de l’histoire de la personne, sa vie, comment est-ce que qu’elle en est arrivée au projet qu’elle est en train de créer ou de mener à l’heure actuelle ?

Exactement parce que le but c’est évidemment de mettre des projets engagés en avant, mais je suis pas là pour faire la com du projet, c’est pas du tout mon objectif. Mon objectif c’est de montrer que tout le monde peut s’engager, que c’est à la portée de tout le monde et que la moindre petite action à toute son importance aujourd’hui. Si on s’y met toutes et tous on peut vraiment y arriver et c’est ça que j’ai envie de montrer. C’est pour ça que j’ai envie de montrer aussi le cheminement de la personne, comment elle en est arrivée à s’engager. D’où il vient son engagement et qu’est-ce que ça lui apporte de s’engager via sa marque.

On a vu aussi que y avait beaucoup de femmes que tu interviewes qui venaient de Paris, est-ce que c’est aussi pour des questions de faisabilité parce que c’est plus facile quand on habite dans le même endroit pour se rencontrer, ou est-ce que tu penses que y a peut-être aussi un vivier un peu plus créatif sur la mode durable qui peut se passer à Paris, et qui est un peu plus compliqué de mettre en place ailleurs ?

Si j’avais les moyens et l’opportunité d’aller dans toutes les régions de France, je le ferais avec un immense plaisir : il y a des projets magnifiques qui sont en dehors de Paris et des personnes incroyables avec qui j’ai pu échanger. Malheureusement, comme avec le podcast je gagne pas encore ma vie, c’est compliqué de dépenser de l’argent dans les billets de train pour se déplacer, parce que ça a quand même un coût. Alors je le fais de temps en temps, surtout que j’ai lancé un nouveau format de reportage, mais c’est vraiment exceptionnel parce qu’il faut des moyens, parce que ça coûte cher. Je pense que c’est hyper important de ne pas mettre en avant que les personnes qui créent la marque à Paris, y a aussi toutes les personnes derrière qui font en sorte que cette marque existe : les couturières, les couturiers, les agriculteurs, les agricultrices. Un pull en laine ça vient d’abord du mouton, un t-shirt en coton ça vient d’abord de la plante et toutes ces personnes-là elles sont indispensables pour faire un mode plus responsable et plus engagée. Donc ça serait génial si je pouvais partir tout le temps mais malheureusement c’est pas encore le cas, j’espère que ça viendra. 

 

Et maintenant, dans ces temps actuels, tu as dû adapter ton podcast. Notamment on a relayé sur nos réseaux le défi-challenge 11 jours pour adopter une garde-robe responsable. Est-ce que tu peux nous expliquer le contenu de ce challenge et quels sont les objectifs derrière ?

Bien sur. Le contenu du challenge, alors J’ai appelé ça challenge je ne sais pas si c’est exactement le mot le plus adapté, mais disons que on me posait souvent la question : est-ce que tu auras des conseils pour abandonner la fast fashion et se tourner vers une mode plus responsable. Donc je me suis dit « profitons du temps en confinement », parce que puisque je ne peux pas sortir de chez moi j’ai quand même plus de temps que d’habitude. et je me suis dis que c’était l’occasion d’imaginer des conseils pour adopter une garde-robe plus responsable. Alors je suis partie sur 11 jours parce que en imaginant le challenge et en listant tout ce qui me semblait important ça tombait sur 11 jours. Je suis partie d’abord de ce qui me semblait essentiel, l’information : pourquoi c’est important de se tourner vers une garde-robe responsable pour les gens qui en sont pas encore convaincus ? Donc donner des informations, des chiffres sur la pollution de l’industrie textile, sur l’exploitation, sur ce genre de choses. Expliquer ce qu’on entend par « mode responsable » parce que ça parle pas forcément à tout le monde. Et ensuite le décliner sur différentes thématiques donc : apprendre à aimer ce qu’on a dans nos placards, trier ces placards, qu’est-ce qu’on fait des pièces qu’on a mises de côté, faire attention au Greenwashing, privilégier la qualité plutôt que la quantité, pourquoi acheter de façon obsessionnelle ça nous apporte pas de bonheur, c’est un leur et c’est plus le contraire, et ensuite parler des alternatives de consommation comme le vintage, la seconde main, la location de vêtements. Se détacher petit à petit de la possession, parce qu’on y arrive, on est dans une société qui arrive progressivement à mettre ça en place, donc pourquoi c’est important de le faire aussi avec nos vêtements. 

Donc voilà ça s’étale sur 11 jours, j’avais pris la date de la fashion revolution week comme un peu un symbole et ça se terminait le jour-anniversaire, je sais pas si on peut dire ça mais, de l’effondrement du Rana Plaza. C’était très symbolique, c’était pour communiquer dessus de façon efficace mais il est disponible tout le temps ce challenge et tout le monde peut le faire à son rythme quand on veut. Et je vais essayer aussi de l’alimenter de temps en temps, de compléter, je peux passer à côté de choses parce que c’est pas exhaustif. Si y a des idées qui me viennent au fur et à mesure je vais le compléter. Voilà !

C’est super complet parce que tu parles à la fois des questionnements autour de l’accès à l’information, mais aussi avoir une consommation qui est plus éthique et du coup plus durable, en questionnant aussi le travail et aussi l’aspect environnemental. Tous ces thèmes-là ont été désignés comme des Objectifs de Développement Durable et qui ont été construits comme un outil pour aider au développement et pour aider à l’accélération et à la transformation vers un mode de vie et de consommation plus soutenable. Et à travers ton podcast tu cherches à montrer que d’autres chemins sont possibles, et tu fais notamment les ponts entre la mode responsable, le féminisme et l’écologie. On voit que y a une certaine transversalité qui se dégage comme avec les Objectifs de Développement Durable et on aimerait que tu développes un peu cette idée de transversalité que tu transmets à travers le podcast.

Bien sur, en fait pour moi quand j’ai commencé à mettre le pied dans la mode responsable, je pense que mon éveil féministe s’est un peu aiguisé et est devenu de plus en plus présent. Pour moi ces trois thèmes sont vraiment hyper liés, et je pense que l’un ne marche pas sans l’autre. Quand on défend une mode responsable on défend aussi une mode qui n’exploite pas les gens à l’autre bout de la planète, et quand je dis les gens c’est principalement des femmes qui sont des ouvrières de l’industrie textile au Bangladesh par exemple. Ce sont elles les premières victimes de cette fast fashion et de cette mode qui ne respecte ni la planète, ni les gens. Et donc pour moi l’un ne va vraiment pas sans l’autre. C’est à dire que si on se dit féministe, c’est compliqué d’aller acheter des vêtements chez Zara parce qu’on sait que derrière ce sont les droits des femmes qui sont complètement bafoués, et donc même si je sais qu’on peut pas être partout et mener tous les combats, ça me parait un peu contradictoire de défendre les droits des femmes dans notre pays pour ensuite ne pas se soucier des droits des femmes qui vivent à l’autre bout de la planète. L’écologie ça va vraiment aussi avec la mode responsable parce que l’industrie textile pollue et que défendre son environnement c’est faire en sorte de moins polluer donc ça passe aussi par les vêtements. Alors évidemment notre t-shirt en polyester c’est un dérivé du pétrole, c’est synthétique donc ça pollue donc on va éviter d’en acheter mais le t-shirt en coton ça vient de l’agriculture, de la plante de coton qui a été récoltée, c’est aussi un travail de personnes, de la terre. Le coton biologique, c’est ne pas utiliser de pesticides donc c’est respecter aussi notre environnement, notre terre, les ressources en eau. Tout est vraiment intrinsèquement lié et on peut pas parler d’un sujet sans parler des autres à mon avis. Un peu comme les Objectifs de Développement Durable, ils ont tous une importance, mais ils sont tous aussi importants parce que les uns sont reliés aux autres. Un peu comme dans la mode responsable finalement. 

Par ton podcast mais aussi plus généralement avec ton métier de journaliste, ton activité rentre dans toute la sphère médiatique d’accès à l’information, de diffusion d’informations. Comment est-ce que tu penses que toute cette sphère médiatique contribue aux Objectifs de Développement Durable et comment elle devrait essayer de contribuer ?

Y a pas mal de médias qui s’engagent déjà et qui le font mais je trouve que c’est un vrai soucis aujourd’hui. Moi je suis convaincue qu’on doit prendre position sur ces sujets-là. On nous apprend en école de journalisme que le média doit être objectif, doit donner la parole au « pour » ou « contre”, aujourd’hui pour moi sur le développement durable ça marche pas, et sur l’écologie et la défense de notre planète ça marche absolument pas. On peut pas donner la parole aux gens qui ne la défendent pas. Il faut plus d’engagement de la part des médias et des journalistes et il faut le faire de façon positive parce qu’on nous balance à longueur de journée des informations négatives et on en a marre. Et c’est aussi comme ça que j’ai construit le podcast, en me disant y a un vrai raz-le-bol de la part des gens de cette information anxiogène, même si c’est important d’avoir conscience des effets de notre activité sur la planète. Il faut en avoir conscience mais c’est pas suffisant pour agir et pour changer notre façon de consommer, il faut montrer que c’est possible et qu’en fait l’action individuelle est ultra importante. Et pour ça il faut que les médias s’engagent et fassent du journalisme de solutions. Et ça pour moi c’est hyper important et on arrivera à encourager l’action autour de la protection de notre planète que comme ça.Il faut montrer l’exemple dans les médias pour que les gens ensuite s’engagent, suivent cette tendance et ont envie de faire des choses. Il faut donner envie aux gens de protéger la planète. C’est hyper important.

Et il y a un biais dans le sens où il y a beaucoup de débats organisés dans la sphère médiatique où on oppose une vision qui dit que le réchauffement climatique n’existe pas, vision défendue par un nombre minime de personnes, et face à elles on va mettre quelqu’un qui fait partie du corps scientifique et qui, comme une grande majorité de ce corps scientifique affirme, déjà depuis de longues années voire décennies, que si on est bel et bien en train de vivre un réchauffement climatique et que c’est dangereux. Et en fait de mettre à équivalent en terme de nombre d’individus lors d’un débat, de mettre une personne contre une personne alors que ça représente pas forcément la réalité de la situation, ça peut être aussi dangereux.

Oui et ça peut rendre aussi les débats stériles dans le sens où les gens sont déjà d’accord et ils restent dans leurs prises de position sans faire avancer vers les solutions.

Ouais exactement, je suis entièrement d’accord avec ça.

C’est juste changer de paradigme et de façon aussi de voir les choses. Après il y a des médias qui le font très bien. Par exemple, le magazine Society va lancer un magazine qui s’appelle So Good si je dis pas de bêtise, sur justement mettre en avant les personnes qui s’engagent, dresser leur portrait, montrer qu’il y a des alternatives, des solutions et en fait c’est ça pour moi l’avenir du journalisme et la façon dont il faudrait telle information. Certains ont déjà compris et sont en train de basculer et de le faire. Et peut-être que ça va venir progressivement dans la façon de traiter de l’information, après c’est sur qu’il en faut pour tout le monde. Il faut pas oublier le reste évidement. Mais pour moi il faudrait aussi que la partie « environnement » ne soit plus juste un service dans les médias, les pages « environnement » ou ce genre de choses. Il faudrait intégrer les problématiques environnementales dans toutes les problématiques : l’économie, la politique, dans tout, il faudrait en parler partout, tout le temps et pas seulement donner ça à un service en particulier.

En parlant de l’idée de traiter différemment les sujets, comme on l’a dit on est dans une période très particulière et on se pose beaucoup de questions pour savoir comment va être fait le monde d’après. Beaucoup de spécialistes, scientifiques de tous bords prennent la parole pour expliquer comment il va être fait et comment il va s’organiser. Tu l’as mentionné dans ta dernière newsletter mais c’est vrai qu’on l’a vu entre autres avec la Une du Parisien qui présente quatre hommes qui ont plus de 40 ans et qui se ressemblent tous évidemment, c’est des personnes comme ça qu’on met en avant dans toutes les interviews. Dans ton podcast, déjà tu n’interroges que des femmes et tu essayes de montrer une diversité dans les idées, dans les profils. Est-ce que tu peux nous en dire plus déjà dans cette volonté de donner une parole médiatique à des personnes qui l’ont pas forcément, et aussi l’importance de le faire et ce que ça peut apporter justement au monde d’après ?

C’est indispensable, c’est essentiel. Moi quand j’ai vu cette Une du Parisien ça m’a tellement mise en colère de voir ça encore en 2020, de me dire comment on a pu laisser passer un truc pareil : quatre hommes blancs de plus de 40 ans qui pensent le monde d’après, c’est oublier complètement toute la diversité de la France, la moitié de la population. C’est incroyable d’en être encore là aujourd’hui, et malheureusement quand on regarde les plateaux de télévision et qu’on voit que des hommes débattre de l’avenir de la planète, de l’avenir de notre monde moi ça me rend folle. Les femmes ne sont absolument pas représentées suffisamment dans les médias, on ne fait pas l’effort d’aller les chercher quand on doit chercher des spécialistes. Et c’est pareil dans l’industrie textile, dans la mode, on entend toujours les mêmes voix, souvent des hommes et qui font des projets très très bien, c’est génial, mais il faut qu’on aille chercher cette diversité là c’est hyper important d’aller donner la parole aux femmes qui ne l’ont presque pas et donc moi on me pose souvent la question « oui mais si tu prônes l’égalité dans ces cas-là il faudrait que tu donnes autant la parole aux femmes et aux hommes ». Oui, je le ferais le jour où les femmes seront représentées à 50% dans l’intégralité des médias. On en est tellement loin que je pense qu’un petit coup de pouce de les mettre simplement en avant dans un podcast ça peut pas faire de mal. 

Je suis désolée je m’emporte un peu mais c’est vraiment un sujet qui me tient extrêmement à cœur, je trouve que c’est indispensable aujourd’hui. Déjà quand les petites filles regardent la télé, lisent les journaux, voient la Une du Parisien avec que des hommes, elles ne se sentent pas représentées, elles ont pas de rôle modèle. C’est indispensable de casser ce schéma-là aussi. Moi j’espère que dans mon podcast y a peut-être des jeunes filles qui écoutent, qui sont en train de faire leurs études et qui se disent « ça me donne trop envie, moi aussi j’ai envie de faire ça », de leur montrer que c’est possible, que des femmes réussissent, que des femmes le font qu’elles s’engagent et donc c’est indispensable pour les petites filles à l’école de leur donner des rôles modèles. Il faut que ça change partout et la diversité c’est hyper important et on en est encore loin donc effectivement le jour où on aura atteinte cette parité partout et bien je pourrais commencer à donner la parole aux hommes, voilà.

Merci pour ta sincérité. On va terminer notre émission par une dernière question : comment vois-tu la mode en 2050 ?

Très bonne question. Alors moi je suis positive, j’ai envie de rester positive parce que je trouve que c’est important sinon autant tout laisser tomber maintenant. Donc en 2050 je me dis qu’on parlera plus de mode responsable parce que ça sera devenu la norme et que toutes les marques seront éthiques, seront durables, seront responsables. Et j’espère qu’en 2050, les marques de fast fashion, H&M, Zara, pas qu’elles n’existent plus parce qu’elles font vivre des ouvrières dans des pays en développement et c’est super important parce que ces femmes-là elles ont besoin de travailler pour leur indépendance et pour leur émancipation et c’est pour ça que je fais très attention quand on appelle au boycott des marques pour leur empouvoirement. Mais j’espère que les marques auront divisé par je sais pas combien leur quantité de vêtements qu’elles produisent. Quand ces marques-là font la promotion « on fabrique notre collection en coton bio et tout » mais on s’en fout ! Enfin je veux dire c’est pas l’innovation qui va nous sortir de là, il faut arrêter de vendre autant de vêtements, c’est la seule chose aujourd’hui qui importe. C’est génial de privilégier le coton biologique et les matières recyclées et tout, c’est hyper important mais c’est pas ça qui va faire de ces marques de fast fashion, Zara, H&M, des marques responsables, absolument pas. C’est du greenwashing, il faut arrêter de croire à ces messages-là. Donc j’espère qu’en 2050, déjà on parlera plus de mode responsable parce que toutes les marques le seront, et qu’en plus ces marques de fast fashion auront revu leur modèle économique et ne vendront plus autant de vêtements. Voilà, je la vois comme ça moi la mode en 2050 !

C’est très positif !

Ouais j’essaye, il faut sinon on continue pas le combat et on s’engage pas si on pense pas qu’on va y arriver. Moi je crois qu’on va y arriver donc je reste positive.

Merci beaucoup.

Avec plaisir, merci de m’avoir donner la parole.