Changement climatique : vecteur d’inégalités femmes hommes

8 mars 2022 : peut on parler de la progression des droits de femmes sans évoquer les défis et solutions pour les transitions environnementales ?

 

Le changement climatique est pourvoyeur d’inégalités entre les peuples. Ses conséquences touchent davantage les pays pauvres. On sait moins que ce changement est vecteur d’inégalités entre hommes et femmes. WECF (voir ci dessous), dont l’antenne française se situe à Annemasse en Haute-Savoie, est une Organisation Non Gouvernementale qui agit pour «  construire avec les femmes un monde sain, durable et équitable ».

 

Maëva Bréau, Responsable de projets et plaidoyer genre pour WECF France, a répondu à nos questions. Avec WECF et Maeva Bréau, 4D avait conduit le projet européen Make Europe Sustainable for All ! 

 

Comment et pourquoi le changement climatique affecte davantage les femmes que les hommes ? 

« Le changement climatique se répercutent à différents niveaux comme l’agriculture et l’accès en énergie et en eau, mais aussi sur les transports ou encore l’urbanisation.

Depuis le 4e rapport du GIEC paru en 2007, il est unanimement reconnu que les effets du changement climatique varient en fonction du sexe, de l’âge et de la classe sociale des personnes. Les populations les plus pauvres et des pays en voie de développement sont également les plus touchées ; que ce soit par les catastrophes naturelles, tempêtes et cyclones, les sécheresses, les inondations, la déforestation, et elles sont aussi plus vulnérables aux impacts sur les baisses de rendements des champs ou l’augmentation des prix des matières premières.

Néanmoins, au sein même de ces populations, les femmes sont plus affectées que les hommes et ceci s’explique par les rôles que la société leur assigne traditionnellement. Bien qu’elles ne possèdent que 8% des terres agricoles, elles contribuent à 80% de la production agricole et assurent l’accès en eau et en bois (pour le chauffage ou la cuisson) du foyer. Les jeunes filles sont également plus souvent mises à contribution que les garçons. De ce fait, elles doivent parcourir des distances plus longues, les exposant aux violences sexuelles et physiques, limitant leur accès à l’éducation. »

 

Comment arrive-t-on à établir cette relation entre changement climatique et inégalités ?

« La société civile travaille sur cette problématique depuis de nombreuses années, et a produit des rapports et des études. Paradoxalement, nous avons plus de données chiffrées pour les pays des Suds que pour les pays développés. Ceci s’explique par le fait que les organisations internationales et les ONG se sont plus intéressées à ce qui se passe en Afrique ou en Asie en récoltant des données ventilées par sexe, qui permettent de mieux cerner l’ampleur du problème. Elles sont beaucoup moins disponibles pour l’Occident, même si nous savons que ces inégalités existent également, dans une autre mesure. »

 

Concrètement, comment se traduisent ces inégalités, au niveau international, national ou local? 

« Pour reprendre l’exemple de l’apport en combustibles dans les foyers, ceci limite l’accès à l’éducation et aux études des jeunes filles et des femmes, mais également la possibilité d’avoir accès à un travail rémunéré qui leur permettrait une certaine autonomie financière. Cela a également un impact en termes de sociabilisation hors du foyer et de participations aux réunions locales et à la prise de décision dans ces réunions. 

En Europe, la précarité énergétique constitue une grande problématique (mauvais isolement des habitations, températures très élevées en été et/ou très froides en hiver). Elle touche également plus les femmes que les hommes. Les femmes sont plus susceptibles d’être dans une situation de pauvreté car toujours payées 20% de moins que les hommes à travail égal, souvent avec des contrats à temps partiel ou même dans du travail « non payé » avec un impact significatif sur leurs pensions de retraites. De plus les femmes vivent plus âgées que les hommes, et sont surreprésentées à la tête de ménages monoparentaux, souvent avec la responsabilité d’enfants. Tous ces effets cumulés font que, en 2017, 17% des ménages dirigés par des femmes étaient dans une situation de précarité énergétique contre 10% dans la population générale. 

Les femmes ont par ailleurs beaucoup moins accès que les hommes au financement et aux crédits, ce qui accroit leur exclusion économique et la précarité de leur situation. Elles sont également peu présentes dans les instances de décision : en 2019 à la COP 21, elles ne représentaient que 37% des membres des délégations et 21% des chefs de délégation. Mais il en est de même dans les conseils d’administrations de grandes entreprises en charge de notre transition énergétique par exemple. Or, comment la voix des femmes, et leurs problématiques propres, peuvent-elles être prises en compte si elles ne sont pas présentes pour la porter ? »

 

Quelles réponses peuvent être apportées pour réduire, voire abolir ces inégalités ? Comment cela se passe-t-il en France spécifiquement et même localement ?

« Les réponses se situent à plusieurs niveaux : tout d’abord dans le cadre des politiques publiques qui doivent impérativement intégrées des dispositions prenant en compte les vulnérabilités spécifiques des femmes. 

Mais également dans la reconnaissance des actions des femmes qui doivent être associées aux prises de décision et financées. En effet, si les femmes sont plus vulnérables aux effets du changement climatique, elles sont également porteuses d’initiatives innovantes qui méritent d’être appuyées et dupliquées aux niveaux régional, national et international.

C’est l’objectif du Prix Solution Genre et Climat que Wecf délivre chaque année lors des COP pour mettre en avant les projets de reforestation des mangroves menées par les femmes, ou de protection de la biodiversité par la création de coopératives agricoles ou apicoles, ou encore de renforcement de l’autonomie alimentaire. 

En France, nous portons depuis plusieurs années le projet « Femmes Rurales » dans la région Auvergne Rhône-Alpes, pour soutenir des femmes à la tête de leur petite entreprise dans l’agriculture, l’alimentation ou l’artisanat, promouvant les circuits courts et locaux, et une gestion raisonnée et durable de notre environnement. »

 

Article de Laurent Chadelat, bénévole, pour ce 8 mars 2022

 

 

Wecf France : Construire avec les femmes un monde sain, durable et équitable

Wecf France est l’antenne française de Women engage for a common future, réseau international écoféministe d’organisations dont le but est de « construire avec les femmes un monde sain, durable et équitable ». WECF a été créée en 1994, à la suite du Sommet de la Terre qui s’est tenu à Rio de Janeiro en 1992. La branche française de WECF, fondée en 2008, a une double vocation : agir au niveau local et plaider au niveau national et international pour «  construire avec les femmes un monde sain, durable et équitable ».  Wecf France s’implique donc dans des thématiques majeures comme la santé environnementale, la lutte contre le changement climatique, la qualité de l’alimentation, l’accès à l’eau et à l’assainissement avec, pour chacune, le souci de lutter contre les inégalités de genre et de  protéger les populations les plus vulnérables en particulier les femmes enceintes et les enfants.

wecf-france.org

Elles sont les lauréates du Prix Genre et Climat de 2021 remis à la COP à Glasgow, représentantes des organisations :

  • Solar Age pour les femmes réfugiées en Turquie
  • Todos Juntos au Guatemala
  • Fundación Plurales en Amérique du Sud (Argentine, Bolivie et Paraguay)
  • All India Women’s Conference Calcutta 

 

(c) : Asociación Todos Juntos por la Resiliencia Comunitaria, partenaire de WECF au Guatemala