Voies de transformation en période de turbulence

La semaine Européenne du développement durable s’achève, martelant à qui sait l’entendre : 10 ans, il nous reste dix ans selon les experts, pour éviter des seuils de pollutions, de biodiversité, de réchauffement climatique, d’inégalités irréversibles. C’est aussi le 5e anniversaire des Objectifs Développement Durable. Dans le dernier sondage de 4D-WECF France et Harris Interactive  : 15% des français connaissent les ODD, une évolution d’année en année mais trop faible par rapport à l’échéance. La première force des ODD c’est de rationaliser et partager à toutes les échelles une pensée ambitieuse : celle de transformations systémiques. 

Pour consulter notre enquête c’est ICI.

 

I. Une approche de la complexité…

… ne devrait plus faire débat : depuis le début de la crise sanitaire, nous vivons un parfait exemple de relations entre les enjeux sociaux (sanitaires, inégalités, éducation…), environnementaux (zoonose, climat, énergie, gestion de l’eau…) et économiques (filières locales, organisation du travail, redistribution de la richesse… ) et d’interrelations du local au global… 

Les ambitions transformatrices sont au coeur des travaux de 4D depuis l’adoption des ODD. Nous reviendrons avec nos adhérents sur ce qu’ils ont vécu pendant ces temps anniversaires et sur les accélération qu’ils engagent. 

 

II. Le recul des ODD en 2020

Dans son rapport publié fin août, le secrétaire général de l’ONU, fait un bilan sans appel : les efforts mondiaux déployés jusqu’à présent n’ont pas suffi pour produire les changements dont nous avons besoin, rompant ainsi la promesse du Programme aux générations actuelles et futures. Avec de nombreuses infographies, il met en perspective que des changements n’ont pas encore lieu à la vitesse ni à l’échelle requises. Au tiers de son parcours vers les objectifs de développement durable, le monde n’est pas engagé sur la voie de leur réalisation d’ici à 2030. Et, la pandémie a brusquement perturbé la mise en œuvre de nombreux ODD et, dans certains cas, réduit à néant des décennies de progrès. La crise a touché tous les segments de la population, tous les secteurs de l’économie et toutes les régions de la planète. Sans surprise, elle frappe le plus durement les personnes les plus pauvres et les plus vulnérables du monde. Elle a mis en lumière de graves et profondes inégalités dans nos sociétés et exacerbe les disparités existantes dans les pays et d’un pays à l’autre. Selon les prévisions, la pandémie fera rechuter 71 millions de personnes dans l’extrême pauvreté en 2020, soit la première hausse de la pauvreté mondiale depuis 1998.

La Banque mondiale précise dans un autre rapport que ces chiffres diffèrent selon un scénario de base (71 millions) et un scénario pessimiste portant jusqu’à 150 millions le nombre de personnes pouvant vivre avec seulement 1,90 dollars par jour en 2021. 

Cette régression oblige les acteurs des ODD, des Etats aux entreprises à s’engager sérieusement. Au risque d’une indignation montante quand dans un autre rapport réalisé par PWC et la banque UBS, la fortune des milliardaires du monde entier a atteint le chiffre sans précédent de 10,2 billions de dollars pendant la crise sanitaire.

 

Nous rappelons avec les ODD, la cible 10.4.
Adopter des politiques, notamment sur les  plans budgétaire, salarial et dans le domaine de la protection sociale, et parvenir progressivement à une plus grande égalité et 10.1 :
– D’ici à 2030, faire en sorte, au moyen d’améliorations progressives, que les revenus des 40 pour cent les plus pauvres de la population augmentent plus rapidement que le revenu moyen national, et ce de manière durable. 4D et ses partenaires avaient rappelé en juillet dernier lors d’une consultation parlementaire 4 pistes pour un nouveau contrat social. 

Pour consulter les 14 pistes de travail participatif c’est ICI.

 

Les causes profondes et les impacts inégaux de la COVID-19 montrent précisément pourquoi nous avons besoin du Programme 2030, de l’Accord de Paris et du Programme d’action d’Addis-Abeba. Ne réinventons pas la roue des solutions quand celle des ODD nous donne la base : la vision et la mesure. 

Ce n’est pas le temps qui manque, c’est nous qui lui manquons Paul Claudel

 

III. Pour transformer notre monde…

  • Loi zéro chômeur longue durée prolongée par l’Assemblée Nationale

L’Assemblée Nationale a adopté mercredi 16 septembre à l’unanimité une proposition de loi de la majorité visant à étendre à 50 nouveaux territoires d’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », même si de nombreux élus d’opposition auraient souhaité aller au-delà de ce « numerus clausus ». Cette initiative a été lancée en 2017 dans dix territoires et permet de subventionner l’emploi à la place du versement de prestations sociales. Voté en première lecture, le texte est attendu au Sénat a priori début octobre. Il veut étendre pour cinq ans une expérimentation lancée début 2017 et menée aujourd’hui dans dix « territoires » de 5 000 à 10 000 habitants, entre communes rurales et quartiers de la politique de la ville, de Colombelles (Calvados) à Villeurbanne (Rhône). L’expérimentation prévue au départ pour cinq ans, a déjà bénéficié à plus d’un millier d’ex-chômeurs. Le texte propose de la prolonger pour cinq ans supplémentaires.

Le financement du dispositif est assuré par le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, dont le rôle est étendu. De plus, outre l’Etat, les départements devront désormais obligatoirement participer au financement du fonds. Comme auparavant, les autres collectivités locales et les organismes publics et privés des bassins d’emploi sélectionnés pourront contribuer volontairement. ATD Quart Monde, porteur initial de la démarche, vous donne rendez-vous le 17 octobre pour une Journée Mondiale du Refus de la Misère. 

 

  • L’ODD 5, égalité des genres, potentiel de transformation

Une transition juste fut aussi un temps de mobilisation pour 4D, notamment sur la question fondamentale des égalités de genre (ODD 5). ODD transversal, sa réussite est nécessaire pour réussir l’Agenda 2030 et de premières évaluations nous indiquent sa capacité d’accélération.

 

Pour la paix (ODD16) : une étude récente de l’International Peace Institute a fait le lien entre l’ODD 5 et l’ODD 16 en démontrant que les processus de paix intégrant les femmes ont 35% de chances supplémentaires de durer plus de 15 ans !

 

Pour l’agriculture familiale (ODD 2) : les femmes représentent environ la moitié de la main d’œuvre agricole totale dans les pays en développement. Les inégalités de genre c’est pénaliser les femmes rurales par rapport aux hommes dans l’accès à la terre, à la technologie, aux marchés, aux infrastructures et aux services.

Et ça se passe aussi en France. La FAO écrit sur son site : il est démontré que lorsque les femmes rurales peuvent accéder dans les mêmes conditions que les hommes aux ressources productives, la production agricole augmente de façon significative et l’on obtient des avantages sociaux et économiques immédiats et à long terme, qui contribuent à réduire le nombre de personnes pauvres qui souffrent de la faim. Santé environnementale, avec notamment une approche spécifique sur la santé des femmes enceintes et des enfants et leurs exposition à des produits chimiques dans les produits… des mobilisation pour lesquelles les femmes les disent souvent moins partagées par leurs partenaires masculins. 

On est sur une mise en oeuvre pour l’ODD 5 où la première résistance est d’ordre culturel et psycho-social. Les lois relatives à l’égalité de salaire existent sans être appliquées et à l’échelle européenne, l’ODD 5 est celui qui a connu la plus grande régression. Sans parler des polémiques et sondages sur la tenue des femmes qui s’étalent dans les media, procédés qui révèlent encore une culture profonde d’égalité relative : s’autoriser à commenter les différences et ne pas les accepter.  

Les Rencontres pour le Développement Durable tenaient leur première édition. 4D était l’un des partenaires éditoriaux : 230 intervenants, 8 000 personnes spectateurs pour 70 heures d’enregistrement ! Les réseaux sociaux avec #RDD2020 ayant touché 7,3 millions internautes au cours de l’événement. Nous avons participé à la table ronde sur l’égalité des genres. 

 

 

  • Et si notre relation à la Terre partait des Océans 

Nous avons répondu à l’invitation de MSC France et la Maison des Acteurs du Paris Durable pour parler des Océans, leurs protections et leur durabilité. L’occasion de rappeler que les Océans ont longtemps été absents ou discrets des grandes conférences issues de Rio. Le sujet était davantage traité au niveau géopolitique ou sous l’angle des ressources, la pêche. Réhabiliter les océans comme un milieu lié à nos modes de vie, à nos équilibres vivant est une approche que nous continuerons de travailler avec MSC France. D’autant que la promesse des ODD demeure de ne laisser personne de côté. Une phrase qui rappelle que la vulnérabilité est un point de départ des politiques publiques. Les populations insulaires ont été le porte voix des ambitions climats et des politique d’adaptation.   

 

  • L’Occitanie lance la première convention citoyenne pour la transformation territoriale 

Nous participions à la séance d’ouverture de la convention citoyenne pour la transformation de l’Occitanie. A quoi ressemblera l’Occitanie en 2040 ? Comment relever les défis globaux à l’échelle de la région dans un équilibre métropoles / zones rurales, dans les modes de vie des habitants : d’une forme de résilience alimentaire à la place de la culture ?  La collectivité élabore un « Green New Deal », par le biais d’une convention citoyenne, qui sera suivie d’effet assure la présidente de la Région. Une première pour une collectivité française.

104 citoyens tirés au sort de 19 à 77 ans ont débattu depuis le 10 septembre toutes les semaines sur tous les pans d’une transformation territoriale et ont présenté 52 propositions prioritaires pour bâtir une Occitanie plus juste et durable. À partir du 16 octobre, afin de compléter leurs conclusions, tous les citoyens d’Occitanie voteront pour fixer leurs priorités. Le résultat de ce travail collectif viendra alimenter le plan de transformation et de développement régional, le Green New Deal.

L’avis de l’ensemble des habitants d’Occitanie va être recueilli. Du 16 octobre au 6 novembre, chacun pourra faire part de ses priorités grâce à une votation citoyenne. A travers quelques questions, trois grands sujets de réflexion y seront abordés : améliorer le bien-être de tous au travers d’un modèle plus durable, renforcer les solidarités territoriales et développer de nouvelles pratiques de la citoyenneté. Les premières mesures concrètes seront intégrées dès le budget 2021.

Les votes sont en ligne et les 16 Maisons de la région sont également mises à disposition de ceux qui ne sont pas équipés pour voter.

4D a présenté notamment les différentes échelles engagées aujourd’hui dans ces plans de transformations : international, européen, national, territorial… cet alignement nécessaire à la synergies des changements. Nous avons insisté l’échelle régionale proche des gens et disposant des moyens conséquents et partagé 3 clés pour qu’une stratégie de transformation fonctionne :

  • la cohérence de l’action : on transforme si l’ensemble va dans la même direction.  A l’inverse si vous exercez une force dans des sens opposés, vous créez au mieux une inaction, sinon une rupture
  • le temps, les cycles de renouvellement varient selon la nature des investissements.  
    • une ampoule basse consommation, du petit équipement, vous pouvez l’acheter demain et en changer quand ça ne fonctionne plus  
    • une voiture, du gros équipement on est plus sur des cycles de renouvellement à 15 ans 
    • les bâtiments, les grands sites industriels : 20 ans à 30 ans : ce sont des investissements lourds. Mais leur potentiel est connu et les technologies confirmées
    • à l’inverse, il existe des technologies au développement très rapide et imprévisible, qui bénéficient d’une forte confiance dans leur développement 
  • il ne faut pas avoir peur d’objectif radicaux atteignables : 0% d’émissions d’émissions de gaz à effet de serre nettes. Ou 100 % de bio dans les cantines : c’est là qu’on va chercher l’innovation, les réorganisations, la transformation plus que des ajustements. C’est comme arrêter de fumer, si vous avez toujours une cigarette dans la poche, vous avez moins de chance d’y arriver. 

Et dernier point partagé issu de nos travaux OurLife21 sur les modes de vie durables et désirables : la diversité des comportements et des modes de vie accroît les potentiels de transformation. Pour cela il faut corriger une erreur méthodologique : tous les chiffres et projections sont présentées pour un citoyen moyen, cette facilité statistique fausse les voies de transitions. 

Pour apporter votre contribution à la Convention Citoyenne pour l’Occitanie, c’est ICI.