Le Précieux Facteur Humain (Patrick Viveret) est la version lumineuse du Putain de Facteur Humain, expression québécoise qui résume le fait que tout en sachant ce que l’on sait, on ne passe
pas à l’action. Nos modes de vie s’inscrivent dans une cohérence qui n’est pas qu’objective et logique, nous interagissons avec nos émotions, nos valeurs et nos croyances au sein d’un cadre
relationnel dans un besoin de bien-être et de sécurité. Pour ce PFH 2020, la pratique du terrain des ateliers de prospectives participatives OurLife21, nous permet d’avancer 5 Priorités pour
mobiliser le Précieux Facteur Humain : 5P.
Pourquoi ? Pour qui ? Pour quand ?
On vous livre nos observations issues des travaux de prospectives et modes de vie et de nos rencontres avec les publics. Si nous ne développons pas mieux la dimension humaine de la transition, le précieux facteur humain pour ne laisser personne de côté, nous passerons à côté de cette possibilité de transformation.
La crise sanitaire et ses impacts immédiats sociaux et économiques, conduisent les sociétés vers des réponses inédites. Les stratégies de sortie de crise s’affrontent avec des pensées de court ou
long terme et des trajectoires très différentes : urgence, relance, refondations, transformations. Parmi les voix qui s’expriment, certaines s’appuient sur les Sciences de la durabilité, qui
alertaient, avant la pandémie, sur les aggravations, proches de seuils de rupture, du climat, de la biodiversité, des modes de consommation et production et des inégalités. Les scientifiques nous
donnaient 10 ans pour agir radicalement, à la racine des maux. Et ce, en s’appuyant sur un élan politique mondial de tous les Etats en 2015. Unanimement conscients que le système, à bout de
souffle, avait besoin d’un plan massif de transition, les 194 parties signaient la déclaration de l’ONU, Transformer notre monde, avec les Objectifs de Développement Durable (ODD)
comme grille commune. Les porteurs des ODD partagent, dans un contexte plus mondialisé que jamais, une vision de durabilité forte pour des sociétés qui ne laissent personne
de côté.
1. Perception d’un futur : une minorité de personnes accède à un imaginaire positif, quand la majorité voit le changement plutôt négativement, car nous voyons ce que nous perdons et moins
facilement ce que nous gagnons. Une sortie de crise amène à renouer avec un projet et une ambition pour penser le long terme dans ce qu’il a de plus imaginatif comme de plus effrayant. Il
manque un grand récit du futur positif construit de multitudes de récits des familles, qui éveillent l’empathie, intègrent les subjectivités humaines et une ’idée de progrès, “où partout
l’impératif du mieux s’impose ; à l’Occident, c’est le mieux mais moins, ailleurs c’est le plus mais mieux. »
2. Pragmatisme : la recherche d’impacts ne doit faire perdre de vue la complexité des situations, au risque de nourrir des attitudes conformistes. Les ODD, de par leur cibles et indicateurs sont
un outil pour comprendre et utiliser la complexité. Ils visent à ne laisser personne de côté, dans un contexte d’aggravation des inégalités d’ici à 2030, du fait de l’impossibilité de réaliser
tous les investissements à une échéance aussi rapprochée. Répondre à la hauteur de ces enjeux implique de considérer les principaux déterminants des modes de vie des personnes. A
commencer par leurs lieux de vie, les modes d’habitat (des typologies bien différentes selon les pays) ; puis la composition de la famille : l’âge, le temps de vie, le nombre de personnes et leur
capacité à changer de comportement ; enfin les revenus : souvent nécessaires à l’accès à des services ou produits et permettant une vision de plus long terme. Un écosystème est résilient
parce qu’il laisse vivre la (bio) diversité.
3. Psychologie : si l’altruisme est essentiel dans une vie de groupe, le choix d’une partie de la population qui est celui du repli sur soi, de “moi d’abord et après les autres” est bien
présente. Une communauté de destin nous situe dans une compréhension des peuples, au-delà des rouages techno-économiques. Le confinement laissera des impacts psychologiques encore
difficiles à entrevoir. Cette communauté de destin aura besoin de processus qui cadrent et outillent la relation aux autres, ces processus transforment ceux qui y participent et dégagent
des ressorts psychologiques propres aux résiliences des sociétés, des règles collectives pour cheminer sur les voies de transitions et coopérer entre des groupes distincts, selon des
temporalités propres à chaque composante
4. Paix : une transformation c’est échafauder des solutions, non pas sur le plus petit dénominateur commun, mais au contraire le plus large éventail d’avis, même contradictoires…
C’est la construction de l’intelligence collective, par le traitement de désaccords féconds. Des cadres de gouvernances partagées pacifient les échanges, offrent des garanties d’écoutes et de
redevabilité. La coopération est un levier majeur de développement et de résilience. Notre faible capacité à vivre nos conflits sans violence sont autant de limite à réinventer des alternatives.
Nous avons besoin d’un climat de confiance, pour engager des trajectoires de rupture. L’ODD 16 pour la paix et la confiance en les institutions est né d’une consultation citoyenne mondiale.
5. Plaisir : l’association de plaisirs à des besoins essentiels pour transformer plus profondément les pratiques est commun. Le plaisir de participer à la sauvegarde d’une vie
décente sur notre planète répond aussi à une crise anthropologique profonde de notre temps. Stimuler des personnes dans tout leur potentiel de transformation, conjuguer les défis à relever
avec l’enthousiasme, l’énergie de la joie, le beau, l’esthétisme, ne sont pas des suppléments d’âme mais des clés de transformation et de mobilisation de toutes les capacités.
Ces 5 P sont les conditions du PFH 2020, pour passer d’un vieux monde qui s’écroule, d’un contexte de grande défiance, de repli sur soi et de comportements toxiques à des sociétés résilientes
et transformatrice, au partage d’une promesse d’un nouveau monde qui émerge, qui réinvente le progrès. Nous n’agissons pas pour la planète, ni pour l’économie mais pour l’humanité et donc pour les relations humaines, un rapport au temps, des écosystèmes vivants. La coopération, n’est cependant pas une somme d’individualités, tout comme une succession d’actions ne font pas des
systèmes d’organisations efficientes et durables. Les ODD offrent un cadre souhaité d’inter-relations : si aucun des ODD n’est affaibli par rapport à la mise en œuvre des autres, l’ensemble des
acteurs de tous les pays disposent d’un levier de transformation pour ne laisser personne de côté.
Pour lire notre note : Résoudre l’inconnu des transitions