ODD-compatibilité : L’interdiction de détruire les invendus vestimentaires

Loi sur l’économie circulaire et invendus vestimentaires : une étape d’accélération dans la transformation de nos modes de vies ? 

1. Les mesures sur les invendus non-alimentaires dans le cadre de cette loi

Le 11 février 2020, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire était publiée au Journal Officiel. Cette publication fait suite à plus de deux ans de travaux et arrive après la feuille de route gouvernementale sur l’économie circulaire de 2018. De la sortie du plastique et la fin des produits à usage unique d’ici 2040, au renforcement des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) (notamment la création d’une REP sur les déchets du bâtiment) en passant, entre autres, par l’intégration d’objectifs dans la commande publique ou encore par plus d’informations pour le consommateur afin de prolonger la vie des objets, la loi touche différentes thématiques de l’économie circulaire attendues par les associations, experts et professionnel du métier. 

Dans le cadre de cette loi, une mesure visant à interdire la destruction des invendus non-alimentaires a été définitivement adoptée.  « Les producteurs, importateurs et distributeurs sont tenus de réemployer, notamment par le don des produits de première nécessité, de réutiliser ou de recycler leurs invendus », fixe la loi. Les invendus représentent 630 millions d’euros chaque année. À partir de 2022, l’élimination, autrement dit la mise en décharge et l’incinération, des produits non-alimentaires invendus sera interdite. Les entreprises devront désormais donner ou recycler leurs produits invendus.

 

2. L’association 4D engagée pour la mode éthique et durable au regard des ODD

La lutte contre le gaspillage est ainsi étendue au textile et aux professionnels du secteur. Cette mesure va certainement pousser ces derniers à créer du lien avec la mode éthique et durable. En 2019, seulement 8 % des marques de mode avaient placé le développement durable au cœur de leur stratégie selon l’Institut français de la mode (IFM).

150 millions d’habits sont produits chaque année sur la Terre et 76% finissent à l’enfouissement ou à l’incinération. La production de vêtement a doublé de 2000 à 2014. C’est l’une des industries les plus polluantes de la planète : elle émet aujourd’hui 1.2 milliards de tonnes de gaz à effet de serre soit 2% des émissions globales. En 2050, le secteur textile pourrait émettre même 26 % des émissions globales de gaz à effet de serre si les tendances actuelles de consommation se poursuivent. 4% de l’eau potable disponible dans le monde est aujourd’hui utilisée pour produire nos vêtements. 

L’association 4D est engagée cette année dans une campagne sur la mode éthique et durable dans le cadre du projet Make Europe Sustainable for All. Nous allons pendant plusieurs semaines montrer les impacts de l’industrie de la mode, communiquer sur des solutions pour les citoyens, etc. Notre ambition est avant tout de montrer que nous devons agir maintenant et nous engager, à travers notre consommation de textile, pour transformer nos modes de vies. 

En effet, face à ce constat, l’association 4D le répète : il faut accélérer. Nous sommes à 10 ans de l’Agenda 2030, c’est la décennie de l’action pour les ODD: 10 to go ! Nous devons agir sur notre façon de consommer le textile et ainsi changer, par des actions à portée de main, des représentations culturelles, des façons de consommer, un rapport avec une filière industrielle…  . Or, comme le précisent les experts du Global Sustainable Development Report (GSDR), pour réussir ces transformations, nous devons agir sur les interrelations entre les ODD et dans une logique de co-bénéfices. Les mesures législatives pour être transformatrices, comme cette mesure sur l’interdiction de détruire les invendus vestimentaires, doivent s’inscrire entre autres sur des principes d’universalité, de co-construction, de redevabilité, d’inclusion et dans une volonté d’agir de façon systémique (précision fin d’article). 

En d’autres termes, cette interdiction peut permettre une accélération et une réelle transformation du secteur du textile mais pour cela elle ne doit pas s’enfermer dans un silo. Sur quelles cibles et sur quelles interrelations peut-elle agir ? 

 

3. Comment cette mesure peut agir sur les interrelations des ODD et les cibles?    

L’interdiction de destruction des invendus peut permettre une réflexion systémique sur le secteur du textile si les acteurs ont une volonté d’utiliser cette mesure pour accélérer les transformations. L’engagement et la volonté d’innover dans le sens de l’Agenda 2030 sont néanmoins nécessaires. En effet, cette mesure pose des bases qui vont dans le sens des cibles des ODD et ne touche pas seulement à la gestion des déchets.

 

Pour assurer l’accès universel à l’eau potable et améliorer la qualité de l’eau en augmentant notamment le recyclage et la réutilisation sans danger de l’eau, cette mesure peut influer sur une production plus responsable d’habits. 20% de la pollution des eaux dans le monde seraient imputables à la teinture et au traitement des textiles.

 

 

Cette obligation pour les industriels et distributeurs de textile va permettre d’améliorer les efficiences de l’utilisation des ressources mondiales et prendre en compte qu’un vêtement, à l’étape de mise en vente, a déjà un impact sur l’environnement très élevé avant même son utilisation (fabrication, transport). 

Elle touche la thématique de la surproduction de textile qui entraîne des invendus. Cela peut impacter directement les conditions de travail, sécurité du lieu de travail, droit des travailleurs du textile (579 travailleurs sont morts dans des incendies d’usine au Bangladesh entre 2009 et 2013).

 

Prendre les invendus de textile non plus comme des déchets mais des ressources dans un principe de circularité peut permettre aux marques de moderniser et adapter leur moyen de production et process d’entreprise.

 

 

L’accès par des voies responsables des invendus de textile peut permettre d’inclure une plus large partie de la population et agir sur l’intégration sociale, économique et politique, l’accès aux vêtements faisant partie des critères de pauvreté de nos sociétés.

 

 

Mieux gérer les déchets pour réduire l’impact environnemental en augmentant la proportion de solutions adéquates sont des cibles identifiées de l’Agenda 2030. Cette mesure doit y participer et donc être accompagnée du principe de redevabilité.

 

 

Faire sortir les invendus de textile de la simple catégorie “déchets” en leur donnant une autre vocation que l’incinération et l’enfouissement et réduire ainsi la production de déchets. En Europe, 80% des 4 millions de tonnes de vêtements dont on se débarrasse sont brûlés ou enfouis. Dans le cadre plus global de la loi, le principe de circularité doit mieux s’insérer dans la passation de marché publics.

 


Cette obligation des invendus de textile peut créer un espace de lien. Elle peut notamment permettre aux grandes marques d’accélérer leur relations de partenariats avec les acteurs du réemploi, de la mode éthique et durable et des intermédiaires. A l’inverse, le secteur de l’ESS et de l’économie circulaire peut aussi accélérer sa professionnalisation pour devenir des filières capable d’intégrer ce flux. On peut donc envisager des partenariats avec la société civile.

 

Pour être transformatrice dans nos modes de vie et dans le secteur du textile, cette mesure pose les bases d’une ODD compatibilité potentielle mais doit être prise par les acteurs dans toute sa transversalité. Les projets qui en résultent doivent montrer une capacité transformatrice et être animés en portant des principes de :

  • Co bénéfices et co construction. Exemple : la distribution des invendus du textiles doit bénéficier à des acteurs engagés dans l’économie circulaire et de l’économie sociale et solidaire pour engendrer une chaîne de valeur positive. C’est un vrai partenariat à développer où tous les acteurs travaillent pour des impacts positifs. 
  • Redevabilité. Cette mesure, pour être transformatrice, doit engendrer des projets à impact positif. Les projets potentiels qui en résultent de réemploi, de recyclage de vêtement, de dons aux populations doivent répondre aux défis du territoire.
  • Universalité et inclusion : des projets sur la valorisation de textile qui bénéficient à tous et n’augmentent pas les inégalités. C’est d’abord aux populations avec le plus grand besoin de vêtement décents ou les travailleurs précaires du secteur que les projets doivent s’adresser.
  • Innovation économique, sociale et environnementale : le secteur du textile n’était peut-être pas prêt mais cette mesure va peut-être ouvrir des portes pour des partenariats avec des acteurs non traditionnels de la mode, du déchet, ou d’autres secteurs potentiels.

Pour les acteurs de la filière textile, s’engager pour l’Agenda 2030 c’est avoir la volonté de prendre cette mesure et accélérer les transformations. 

Encore une fois 4D organise son action pour la transformation de nos modes de vie et interroge les interrelations qui existent entre les ODD. C’est en se concentrant sur cette complexité qu’on pourra entraîner nos sociétés vers les objectifs 2030. Utilisons les ODD comme des outils à la portée de tous pour être à la hauteur des enjeux.

10 to GO, c’est agir maintenant.

 

Retrouvez ci-dessous, pour aller plus loin, des articles sur la loi et sur la mode éthique et durable. 

Pour rappel, cette année 4D est engagée avec le projet MESA sur une campagne “Wardrobe Change” pour mobiliser autour de la mode éthique et durable. Trouver un article sur cette campagne en cliquant ICI

Connaître l’impact de la filière textile et des solutions du quotidien, n’hésitez pas à utiliser l’excellent travail d’Universal Love avec “le Revers de mon Look”: https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/le-revers-de-mon-look.pdf

Des chiffres clefs avec les infographies de l’ADEME: http://multimedia.ademe.fr/infographies/infographie-mode-qqf/

Des articles sur la loi économie circulaire et anti-gaspillage pour aller plus loin:

https://www.novethic.fr/actualite/environnement/economie-circulaire/isr-rse/l-interdiction-de-destruction-des-invendus-va-developper-le-marche-du-gaspillage-vestimentaire-148166.html

https://www.actu-environnement.com/ae/news/loi-economie-circulaire-gaspillages-34809.php4

https://www.fne.asso.fr/dossiers/loi-anti-gaspillage-%C3%A9conomie-circulaire-clefs-pour-comprendre