Avec les Mardi de 4D, en avril 2017, informez-vous sur les enjeux des énergies renouvelables citoyennes !
Nous avons rencontré Anne Bringault, coordinatrice de la transition énergétique pour le CLER, Réseau pour la transition énergétique, et au RAC (Réseau Action Climat). Elle est aussi présidente des amis d’Enercoop.
Dans le cadre des campagnes 2017, vous portez avec le collectif Energie citoyenne un objectif de 15 % des énergies renouvelables entre les mains des citoyens et des collectivités à l’horizon 2030. Pouvez-vous nous expliquer ce que cela signifie ?
Avant les élections, des acteurs de la protection de l’environnement, de l’énergie et de l’économie sociale et solidaire se sont rassemblés pour interpeller les candidats sur le développement des énergies renouvelables citoyennes et participatives.
Aujourd’hui, les énergies renouvelables s’appuient sur un modèle décentralisé, adapté aux ressources de chaque territoire, qui offre des réponses concrètes aux attentes des citoyens en matière de créations d’emplois, de réduction des pollutions, de démocratie et d’accès à l’énergie.
Et aujourd’hui, les citoyens, les agriculteurs ou encore les collectivités peuvent devenir acteurs de la production et de la consommation d’énergie, en impulsant ou en participant à des projets collectifs et locaux d’énergies renouvelables.
Parce que ça marche, parce que c’est vertueux pour la société et bénéfique pour l’économie, la dynamique de l’énergie citoyenne et participative doit être développée et devenir un axe fort de la politique énergétique du prochain quinquennat. Nous proposons donc d’intégrer un objectif de 15 % des énergies renouvelables entre les mains des citoyens et des collectivités à l’horizon 2030, sachant qu’en Allemagne, cette part est déjà de plus de 50 % aujourd’hui.
La place du citoyen dans l’énergie est en train de changer : de quelle manière ?
Dans plusieurs pays en Europe, l’implication et la participation des acteurs locaux, en particulier les citoyens, ont permis d’accélérer la transition énergétique.
La transition d’un modèle énergétique qui s’appuie sur de grandes centrales pour produire de l’électricité ou du pétrole et du gaz importés vers une production plus localisée d’énergies renouvelables (éolien, solaire, biogaz, bois…) ouvre la porte à de nouveaux acteurs, notamment des citoyens. Ils peuvent porter des projets de production d’énergies renouvelables, y prendre des parts contribuer aux décisions.
Les citoyens ont aussi davantage de choix pour leur consommation. Ils peuvent acheter par exemple une électricité 100 % d’origine renouvelable en changeant de fournisseur. Avec Enercoop, ils ont la possibilité, en plus, de contribuer à la vie coopérative et aux décisions. Ils peuvent aussi développer de l’autoproduction, par exemple en installant des panneaux solaires sur le toit de leur logement, et ainsi contribuer à la transition énergétique. Bientôt, ils pourront aussi piloter les équipements de leur foyer, par exemple leur chauffe-eau, pour qu’ils se mettent en route au moment où il y a le plus de production d’électricité.
Alors que les énergies renouvelables sont plus compétitives que le nucléaire, comment expliquez-vous que le débat soit aussi compliqué ? Prend-on en compte l’opinion des Français ?
Les Français sont en très grande majorité favorables au développement des énergies renouvelables, dont ils ont une image très positive. Par ailleurs, le coût des énergies renouvelables ne cesse de baisser chaque année. Ainsi, en France, pour les nouvelles installations, le solaire est maintenant deux fois moins cher que le nucléaire.
Pour autant, la transition vers un nouveau modèle énergétique 100 % renouvelable est freiné par les acteurs des énergies qui ont dominé ces dernières années, le nucléaire et les énergies fossiles. Alors que l’on sait qu’il faut fermer des centrales nucléaires et à charbon pour laisser la place aux énergies renouvelables, les transitions professionnelles ne sont pas préparées. Les salariés et les syndicats s’opposent donc à tout changement. Pourtant, la fermeture de ces centrales est inéluctable. Il est temps que les pouvoirs publics donnent une vision claire sur l’évolution des centrales dans les années à venir et préparent, avec les acteurs locaux, les transitions vers les nouveaux emplois car toutes les études montrent que la transition énergétique crée plus d’emplois (en particulier dans les énergies renouvelables et la rénovation des bâtiments) que le modèle actuel.
Il s’agit donc d’anticiper les mutations, y compris au niveau des bassins d’emplois, et de créer les mécanismes d’accompagnement pour que personne ne reste sur le bord de la route.
Si les citoyens sont producteurs, il y aura une plus grande responsabilité dans la maîtrise des consommations. Mais vous parlez aussi de développement territorial, pouvez-vous préciser ?
Si les acteurs locaux développent des projets d’énergies renouvelables, c’est en partie pour des raisons environnementales, mais c’est aussi pour favoriser le développement territorial. Ainsi, le parc éolien de Béganne en Bretagne a une gouvernance citoyenne qui a fait le choix d’utiliser une partie des revenus générés par la vente d’électricité pour créer un poste à mi-temps pour accompagner les ménages dans la rénovation énergétique de leur logement. De même, dans les Territoires à énergie positive, en général en zone rurale, s’orienter vers le 100 % énergies renouvelables est un moyen de développer de nouvelles filières (méthanisation, éolien, solaire…) qui vont créer de l’activité et des revenus pour des territoires qui en ont bien besoin.
Une étude allemande a ainsi comparé un projet-type de 7 éoliennes suivant deux variantes : dans le premier cas, les porteurs de projet et les investisseurs sont complètement externes. Dans le second cas, le même projet est fortement intégré localement : investissement par les citoyens et le secteur public, contrats passés avec les sous-traitants locaux… La conclusion ? Selon l’étude, le bénéfice cumulé pour la région (le land) qu’offre le second projet est supérieur de 51 millions d’euros sur 20 ans au premier.
En effet, les revenus de l’énergie engendrent un cercle local vertueux et profitent à l’économie locale.
Comment encourager la prise en main par les citoyens des réseaux d’énergie ?
Pour atteindre 15 % d’énergies renouvelables entre les mains des citoyens et collectivités en 2030, le collectif dont 4D, le CLER et le Réseau Action Climat sont membres propose des mesures concrètes autour de deux axes : le premier axe, c’est d’adapter le cadre réglementaire pour encourager l’ouverture à la participation des citoyens et des collectivités dans les projets d’énergies renouvelables, avec notamment la généralisation et le renforcement d’un bonus pour ces projets dans les appels d’offres pour la production d’énergies renouvelables. Le second axe concerne le développement d’outils d’accompagnement et de financement spécifiques pour les projets participatifs et citoyens. Compte tenu de leurs particularités par rapport aux projets portés par des grandes entreprises, les projets citoyens et participatifs ont besoin d’outils adaptés, en matière de sensibilisation, de financement et d’ingénierie.
Plus généralement, comment va t’on vers un système collaboratif de la production à la consommation ?
La transition énergétique fait entrer de nouveaux acteurs et de nouveaux modes de collaboration : des start-ups, des sociétés de l’information et des télécommunications, mais aussi les agriculteurs, les collectivités, les citoyens. Tous peuvent jouer un rôle actif, en particulier au niveau local, y compris dans la production d’énergies renouvelables, mais également seront impactés dans de nombreux aspects de la vie quotidienne (mobilité, bâtiment…). L’implication de l’ensemble des parties prenantes dans cette dynamique est donc une condition indispensable pour engager un vraie dynamique. C’est au plus proche des territoires que cette co-construction doit s’établir, et la préparation actuellement de Plans Climat Air Energie Territoriaux pour les collectivités de plus de 20 000 habitants est une occasion de mettre en place les canaux permettant à ces différents acteurs d’apporter leur contribution.
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