Décryptage des négociations climat, mars 2015

Où en est -on dans les négociations Climat ? Quels ont été les avancées de Lima? Qu’a permis la session de Genève en février? Quels sont les objectifs pour Paris?

Autant de questions qui se posent de manière cruciale, alors que l’année est placée sous le signe du climat et que la COP 21 sera un temps fort de l’année. les réponses aux questions dans la note de décryptage des négociations, publiée par l’OIF et rédigée par Pierre Radanne.

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EXTRAIT :

Les objectifs résultants pour la conférence de Paris de décembre 2015

L’objectif de la conférence de Paris pour la COP 21 se concentre en pratique sur les objectifs principaux suivants :

  • La participation de tous les pays

C’est le point le plus déterminant. C’est celui qui déterminera les expressions des pays dans groupes de négociations et les séances plénières. C’est aussi ce qui sera visible aussi pour les médias. Le premier critère de succès de la conférence de Paris est clairement la participation à l’accord de tous les pays sur la base de la réalisation de leur contribution.

  • L’avancée sur les financements

L’avancée sur les financements est liée au dépôt des contributions et à leur qualité. L’accès aux financements sera facilité par la qualité des contributions des pays, dans la mesure où elles préciseront les projets et les programmes envisagés.

Ces projets et programmes nécessiteront des apports financiers de nature variable : en investissement privé pour les projets rentables, en prêt avec une part de subvention pour les projets et programmes qui nécessitent un complément en sus du financement bancaire pour atteindre la rentabilité, et en don pour les actions structurantes (mais sans retour financier rapide), par exemple le renforcement des capacités, la formation, des actions d’adaptation, etc…

La nécessité de mixage entre ces différentes formes de soutien sera d’autant meilleure qu’elle pourra s’appuyer sur des contributions de qualité.

L’annonce à Copenhague d’un financement à atteindre en 2020 et 100 milliards de dollars par an de transfert additionnel vers les pays en développement a reposé sur un dangereux malentendu. Pour certains, il ne devait s’agir exclusivement d’argent public (ce fut le point de vue de pays en développement et d’ONG). Pour d’autres, il s’agit d’un mix d’argent public en don, de prêts et d’investissements privés en recherchant un effet de levier permettant d’atteindre une telle somme.

Au-delà de la dimension politique de la négociation sur le montant, deux points sont à souligner :

  • Dans de nombreux secteurs, c’est le financement privé qui assure dans tous les pays l’essentiel des investissements : la construction de logements, l’agriculture, la production énergétiques… celui-ci ne peut pas être assuré par des apports en don de la part des pays développés, même si une part de subvention est nécessaire pour mettre en œuvre des technologies particulièrement performantes dans la lutte contre le changement climatique ;
  • En même temps, beaucoup d’investissements, même assez rentables ne sont pas dans les faits réalisés dans le pays en développement du fait de nombreux facteurs : l’insuffisance de cadre législatif et réglementaire, le manque de compétence d’ingénierie, de réalisation et de capacité de maintenance et de gestion.

Comment surmonter de tels désaccords dont l’effet risque d’être une nouvelle fois un contournement par les capacités d’investissement des pays qui en ont le plus besoin ?

Si jamais ni nulle part dans l’histoire les investissements dans la production d’énergie, la construction de bâtiments ou l’agriculture n’ont été réalisés seulement sur financement public, jamais et nulle part ces différents secteurs n’ont pu parvenir à faire le saut d’une technologie à l’autre sans soutien public. La réponse à cette question renvoie donc aux contributions (CPDN). Ce sont celles-ci qui peuvent marquer une vraie avancée en faveur de l’investissement dans les pays en développement, à partir d’une présentation des capacités de projets, de programmes, de stratégie, afin d’articuler de façon optimale pour le pays demandeur les financements qu’ils viennent des compagnies énergétiques, du secteur bancaire, des entreprises privées, de l’épargne nationale, des bailleurs internationaux, du Fonds Vert, de la finance carbone… Le mixage des sources de financement nécessaires pour réaliser les investissements à réaliser dans le futur devra prendre en compte les situations spécifiques des pays et la situation des différentes filières. Il ne peut donc y a voir de répartition préétablie applicable uniformément.

La conférence de Paris devra progresser dans la mobilisation des 100 milliards d’euros pour 2020 en mobilisant les différentes sources de financement qui précèdent et en s’assurant que ces financements vont bien vers les pays qui en ont le plus besoin en progressant également dans l’application de règles de mesure de rapportage et de vérification (MRV) pour les financements internationaux.

  • L’ajustement des engagements et des contributions des pays en cohérence avec la nécessité de maintenir le réchauffement en dessous de 2°C

Les dépôts des engagements pendant le premier semestre 2015, mais aussi ceux des contributions pour le 1er octobre 2015 ne permettront pas de réaliser un calcul détaillé des réductions des émissions des pays pour 2030 et a fortiori pour 2050 en cohérence avec un réchauffement maintenu en dessous de 2°C.

En pratique, les incertitudes découlant de ce report de dépôt des contributions puis d’’ajustement des participations des pays à l’accord pour 2030 par rapport aux objectifs climatiques exprimés par le GIEC vont inévitablement peser sur la confiance et la solidité de l’accord à conclure à Paris.

Il est donc d’autant plus essentiel que les entreprises, les régions, les collectivités locales, les banques, les ONG, les groupements de citoyens s’engagent en direction d’une atteinte effective des objectifs climatiques. Il faut réfléchir à proposer des modalités effectives d’enregistrement des engagements des acteurs de tous types lors de la conférence de Paris.

  • La force juridique de l’accord de Paris

La question très difficile centrale posée lors de la négociation du Protocole de Kyoto sur le caractère contraignant des engagements des pays a été mentionnée, d’une façon très ouverte ne préjugeant pas de l’option à retenir, dans la décision adoptée à la CdP de Durban. Depuis, cette question a été contournée. Elle devra être résolue à la CdP de Paris.

Comme explicité dans la Note de décryptage préparant la conférence de Lima, plusieurs points s’avèrent centraux :

  • La forme d’ajustement des engagements des pays industrialisés inscrite dans le Protocole de Kyoto (le taux de restauration appliqué en cas de non obtention des objectifs d’une période d’engagement du Protocole de Kyoto sur la suivante) s’est avérée non applicable et encore moins possible à élargir à la totalité des pays membres de l’ONU ;
  • L’absolue nécessité de donner confiance à chaque pays, pour qu’il prenne ses propres engagements ou contributions, que les autres pays assureront effectivement la réalisation des leurs ; en cela, le niveau d’ambition des engagements et contributions est totalement indexé sur le niveau de confiance dans le respect des promesses souscrites ;
  • Une prise d’engagement juridique ferme ne sera concrètement possible qu’à la condition que les responsables des pays jugent effectivement réalisable leur capacité d’atteinte de leurs objectifs inscrits dans leurs engagements et leurs contributions. Et ce dans des conditions économiques crédibles et favorables à leur développement.