Vendredi 27 septembre ont abouti les négociations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) concernant le premier volet de son cinquième rapport, soit l’état de la science sur les changements climatiques. Ce rapport est à la fois un objet scientifique, qui servira de base pour la recherche sur le climat dans les années à venir, et bien évidemment politique, puisque les scenarios présentés fixent un cadre pour les négociations internationales à venir. Le rapport dans son intégralité sera, lui, livré en octobre 2014, avec des parutions intermédiaires : « Changements climatiques : Impacts, Adaptation et Vulnérabilité » en mars 2014 et « Atténuation des changements climatiques » en avril 2014. Par Ana Hours Comme l’explique la climatologue Valérie Masson Delmotte, une des 800 scientifiques membres du GIEC, dans un entretien au Point, cette synthèse est le fruit d’une rencontre décisive entre le monde scientifique et technique. La négociation ne porte pas sur les résultats mais sur la façon de les faire entendre : « Nous, scientifiques, travaillons sur le climat de la planète, mais eux [assemblée des délégués des différents pays] représentent la planète humaine. Le fait que le document soit approuvé par des pays aussi différents que l’Allemagne, l’Arabie saoudite, le Brésil et la Chine est un véritable atout pour les discussions entre États. » |
Une affaire de probabilités…
Quoi de neuf sous le soleil, depuis la synthèse de 2007 ? Essentiellement l’accentuation des tendances et le renforcement du degré de fiabilité des résultats. Sur les températures d’abord, comme le relève Stéphane Foucart du Monde. Le caractère anthropique du réchauffement passe en effet dans la catégorie « extrêmement probable » selon le jargon du GIEC (soit probable à plus de 95%, contre 90% en 2007), faisant des trois dernières décennies les plus chaudes depuis 1 400 ans. On est très loin du scoop mais il reste important pour le GIEC d’établir la responsabilité humaine dans le réchauffement planétaire tant cet aspect est au cœur de la bataille idéologique. Les prévisions confirment une élévation de température comprise entre 0,3 °C et 4,8 °C pour la période 2081-2100, par rapport à celle de 1986-2005. Il est également jugé très probable que l’augmentation de la fréquence des évènements extrêmes soit imputable à l’activité humaine. Très probables également l’accélération de la fonte des neiges et des glaciers et la montée du niveau des eaux. Du coup, c’est sur les prévisions du niveau des mers futur que les résultats varient le plus depuis le dernier rapport. En effet, celui-ci n’intégrait pas les pertes de glace de l’Antarctique et du Groenland. Dans le scénario le plus noir, l’élévation moyenne s’élève à 98 cm, toujours sur les mêmes périodes de référence. De fait, les scénarios proposés sont le fruit d’une nouvelle méthodologie. Jusque là, ils se basaient sur des postulats socio-économiques et en tiraient différents niveaux d’émissions. Afin de limiter les incertitudes, la méthode a cette fois-ci été inversée : les nouveaux scénarios fixent a priori différents modèles d’équilibre énergétique et leur niveau de concentration en gaz à effet de serre (GES). A partir de ces concentrations, sont déterminés des scénarios d’émission de GES qui, en retour, permettent de calculer des scénarios socio-économiques compatibles. Le GIEC a ainsi travaillé sur quatre scénarios, contre six précédemment : RCP2.6, RCP4.5, RCP6.0 et RCP8.5, sachant que le scénario RCP2.6 est le plus optimiste avec une augmentation des températures en deçà des 2° C d’ici à 2100. Si la synthèse aux décideurs ne détaille pas les politiques et les mesures à mettre en œuvre pour atteindre cet objectif ambitieux ( il faudra attendre pour cela la parution du chapitre 3 du rapport), il est hautement probable que la trajectoire décrite suppose des choix technologiques importants, notamment le développement du captage et stockage du carbone. A l’autre bout, le RCP8.5 est le plus pessimiste, mais reste un scénario probable puisqu’il correspond à la prolongation des émissions actuelles. …et d’influences diplomatiques Il y a bien eu des négociations, parfois même âpres, pour aboutir à cette synthèse de consensus. Un délégué a ainsi confié au Monde que « ce sont clairement l’Arabie saoudite et la Chine qui ont le plus cherché à affaiblir le texte », en particulier pour ne pas mettre en évidence le seuil de carbone permettant de maintenir l’élévation des températures en deçà du niveau fatidique des 2 degrés. A tel point qu’un éminent climatologue chinois, Qin Dahe, coprésident du premier groupe de travail du GIEC, est monté au créneau en intervenant publiquement auprès de la délégation gouvernementale chinoise. Car la Chine, premier émetteur en volume de gaz à effet de serre, a gros à jouer pour sa crédibilité internationale sur ce dossier. Si, comme le rappelle Les Echos, le gouvernement a pris des résolutions ambitieuses (réduction de 17% des émissions par unité de PIB, passage de 70% à 65% de la part du charbon d’ici 2017 et à 13% de renouvelables dans le mix énergétique), c’est plus dans l’application que dans la formulation des objectifs que réside le problème. Car celle-ci est dans les mains des autorités locales. Même si l’Etat central a décidé de conditionner l’avancement des carrières des fonctionnaires à leurs prises en compte des enjeux environnementaux, c’est toujours la poursuite de la croissance qui dans les faits leur est bénéfique. Mais l’influence des gouvernements s’est aussi fait sentir dans l’orientation donnée à certains aspects du rapport. Sur les prévisions par exemple, qui étaient jusque là tournées vers le XXIe siècle, le 5e rapport a intégré à la demande des gouvernements des prévisions décennales, sur le plus court terme donc et, à plus long terme, à l’horizon de l’année 2300. Lire la suite sur le site de Agrobiosciences. Pour un décryptage détaillé du contenu de la synthèse aux décideurs : http://leclimatchange.fr/
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