Interview de Mathilde Imer, voyageuse à la recherche du renouveau démocratique

Mathilde Imer est co-fondatrice du WARN et de CliMates. Elle a participé à Escapademos, un voyage exploratoire de 6 mois (mars – septembre 2016) qui l’a conduit avec trois autres amies à partir  à la découverte d’initiatives à même de réinventer notre démocratie, en France et en Amérique du Sud. Nous lui avons demandé de nous parler des initiatives qu’elle a pu découvrir en Amérique du Sud.

 

Pourrais-tu nous citer quelques exemples d’initiatives permettant des participations plus inclusives que tu as découverte et qui te tiennent à cœur ?
Il y en a vraiment beaucoup ! Je crois que parmi celles qui m’ont le plus inspirée en Amérique Latine, il y a un parti politique atypique en Argentine, le partido de la red, qui cherche à mettre la politique à l’heure du numérique ; les zappatistes au Mexique, qui expérimentent au travers d’un système d’autogouvernance la construction et la vie dans un monde complètement anti-capitaliste depuis 20 ans aux chiapas ; et enfin la place des citoyens dans la transformation de la ville de Medellin en Colombie, qui est passée en seulement 20 ans du statut de la ville la plus violente à la ville la plus innovante au monde.
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As-tu pu lors de ton voyage découvrir des initiatives de type budget participatif ?
Oui ! On en a étudié plusieurs pour pouvoir comparer et tenter de déterminer les facteurs de succès et d’échec dans la mise en place et le maintien de la participation autour d’un budget participatif. On a donc exploré un cas à Rosario en Argentine, un à Cotacachi en Equateur, un autre au niveau d’un district riche de Lima et un dernier que nous avons étudié pendant près d’un mois, le budget participatif de la villa El Salavador, qui a la particularité d’être une ville de 300 000 habitants née dans les années 70, en plein milieu d’un désert. Désormais, grâce au budget participatif et à d’autres innovations en terme de gouvernance, la ville a un des taux d’alphabétisation le plus haut du Pérou, une des premières zone industrielles du pays, un hôpital de pointe, etc…
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Est-il naturel pour les citoyens de participer à un budget participatif ? Comment faire pour les impliquer ?
Il n’y a pas de réponse toute faite à cette question ! Mais a priori si l’intention de l’équipe municipale est véritablement de donner davantage le pouvoir aux citoyens, qu’ils ont crée une vraie relation de confiance avec les habitants, que les citoyens sont ceux à l’initiative des projets proposés au financement par le budget participatif et que le niveau du budget est suffisamment important pour que celui-ci ait un impact important sur l’avenir de la ville, alors la participation sera facilement au rendez vous. Si le pourcentage du budget total d’investissement de la ville alloué au budget participatif est ridicule, ou que les projets ne viennent pas des citoyens, les gens vont avoir l’impression que ça ne sert à rien, voire pire, se sentir manipulés !
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Sur les exemples étudiés en Amérique latine, trois choses nous ont marquées : leur diversité, le fait que pour certains les priorités budgétaires de la ville pouvaient être modifiées par les citoyens via le budget participatif et surtout que les motivations du vote peuvent être très différentes selon le modèle choisi. Par exemple, si chaque habitant a une voix et qu’il y a peu de délibération, c’est un modèle plus « individualiste » (je dis cela sans jugement) qui favorise les petits projets en bas de chez soi. Si le droit de vote est au contraire donné à des représentants élus par leur quartier et/ou associatifs qui doivent débattre ensemble, le vote a une dynamique plus collective et solidaire et les projets choisis sont souvent plus transversaux avec une vision de long terme. Bref, il n’y a pas un format parfait ou magique, mais il faut choisir celui qui répond au besoin de votre ville et de ses habitants !
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Peut-on dire que la démocratie participative aide réellement les citoyens à se sentir acteurs de leur ville et à s’approprier les politiques locales ?
Encore une fois, tout dépend comment cela est fait ! La démocratie participative peut permettre aux citoyens de construire réellement leur ville à leur image, comme cela a par exemple été le cas à la Villa El Salvador, mais elle peut aussi cacher une hypocrisie politique derrière une « pseudo participation » dont on ne tient pas vraiment compte. Tout dépend, il me semble de l’intention avec laquelle les représentants politiques la mettent en place.
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C’est d’ailleurs une des raisons qui expliquent pourquoi, de retour de notre exploration, nous ne souhaitons pas nous limiter à diffuser les « bons outils de la démocratie participative », mais nous avons choisi d’approfondir la question de la démocratie et de la coopération au sein des organisations (entreprises, administrations, associations…), en nous intéressant plus particulièrement aux modèles d’organisation visant à reproduire le fonctionnement de la nature. Comment ces nouveaux modèles peuvent-ils inspirer les institutions politiques ? La question est ouverte et on vous donne rendez vous dans un ou deux ans !
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Retrouvez plus d’informations sur ce voyage en France et Amérique du Sud à travers le site et la page Facebook d’Escapademos.
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