Interview de Kahina, participante aux ateliers du Budget Participatif de Paris

 Entre décembre 2016 et février 2017, 4D et Les Petits Débrouillards ont animé des ateliers au centre social CAF de Tanger (Paris 19ème) pour accompagner des jeunes dans la formulation de propositions dans le cadre du Budget Participatif du 19ème arrondissement de Paris.

Nous avons posé des questions à Kahina, une mère ayant participé à ces ateliers avec deux de ses enfants.

Que pensez-vous de l’initiative du budget participatif ?

Pour moi c’était un budget énorme. C’était franchement très intéressant. Mais malheureusement les années précédentes, le côté bobo, côté Villette et Buttes-Chaumont, a été privilégié, c’est la bonne image du quartier. [Ndlr : En 2017, l’enveloppe consacrée au Budget Participatif s’élève à plus de 100 M€. 30 Millions d’euros sont dédiés aux quartiers populaires, avec pour objectif d’y favoriser l’émergence de projets].

Est-ce que les jeunes du quartier et leurs parents sont familiers avec cette initiative ? Comment leur en parler ?

 90% ne savent pas ce qu’est que le budget participatif. C’est grâce aux ateliers des Petits Débrouillards et de 4D que je connais. On peut pas savoir. On est au courant de rien. En général, les personnes ne s’intéressent pas vraiment. Pour leur en parler, il n’y a pas mieux que le bouche à l’oreille. Les lettres ça sert à rien. Il y a beaucoup de personnes qui savent pas lire du côté-ci de ce quartier. Il faut un rapport humain. Je vous donne un exemple. Il y a beaucoup de personnes qui ne savent pas que le centre-social CAF de Tanger propose de l’aide aux devoirs et des activités pour les enfants. C’est grâce au bouche à oreille qu’on peut en entendre parler.

Qu’est-ce qui vous a poussé à participer aux ateliers proposés par 4D et les Petits Débrouillards au centre social Tanger ?

Parce que 4D me l’a proposé. Je suis bénévole dans le centre social CAF. Mes enfants y vont pour de l’aide au devoir. Du coup je suis venu un soir et c’est là que j’ai rencontré Yoann [4D]. Il y a eu des ateliers pour les adultes et pour les jeunes. Je préfère plus être avec les jeunes que les adultes. Les adultes c’est chacun pour soi. Quand ils proposent un truc, c’est par intérêt personnel. Les jeunes veulent un truc pour tout le monde. Ils ne voient pas de la même façon. Les adultes sortent le matin à 8h pour aller travailler et rentrent à 20h. C’est mieux de demander à un jeune ce qu’il veut parce qu’il vit dans le quartier.

 

« Les gens sont capables d’imaginer, mais il faut qu’ils donnent de leur cœur ».
Êtes-vous optimiste sur l’avenir de votre quartier ? Comment le rendre plus agréable et durable ?
Je ne sais pas. Je ne connais pas encore assez bien le quartier. Je n’y suis depuis deux ans et je ne sors pas beaucoup. Par exemple, de mon côté il y a les jardins d’Eole. Je n’y vais jamais. On me dit qu’ils sont mal fréquentés et je ne laisse pas mes enfants y sortir. Vous savez, le bien et le mal sont partout. J’adore ce quartier parce qu’on a tout à proximité : des bibliothèques, des piscines… Malheureusement c’est les gens qui sont sales et non le quartier. C’est à nous, les habitants, de changer le quartier en bien. On est responsable de sa propreté. De ne pas jeter les saletés par le balcon et de faire le tri. La mairie met tout à notre disposition. Malheureusement les gens ne font pas assez attention. Il faudrait que tout le monde donne de son temps. Prenez les papiers d’emballage de chewing-gum par exemple. Pourquoi les gens les jettent-ils dans la rue ? Il y a des poubelles partout dans Paris ?

Lors d’un atelier, une lettre écrite en 2050 par Katya (OurLife21), mère de famille monoparentale modeste, vous a été lu pour donner à voir un modèle de transition réussie. Diriez-vous que les habitants de votre quartier sont en mesures d’imaginer un avenir plus prospère ?

Dans le quartier oui. Mais toujours du côté bobo. Ce sera chic et tout. De ce côté-là ce sera pourri, surtout s’il n’y a pas plus de mixité. Les gens sont capables d’imaginer, mais il faut qu’ils donnent de leur cœur. C’est comme chez eux. Des fois on a envie de changer la déco. Dans mon immeuble, c’est sale. Quand on prend soin de chez soi, il faut prendre soin de ce qu’il y a autour aussi.