Les ODD une feuille de route pour les transitions

Le 21e siècle ne peut être la reproduction du siècle passé. Et tous les pays, tous les acteurs doivent bifurquer. C’était le constat qu’ont fait  193 chefs d’Etats lors de l’adoption des Objectifs de développement durable qui ont été adoptés le 25 septembre 2015. Il faut réaffirmer cet agenda car il a permis d’avancer sur des batailles idéologiques, malheureusement mise à mal ces derniers mois.

 

light the wayCrédit photo Vaia Tuuhia

 

De nouvelles batailles idéologiques se lisent à travers les lignes de l’Agenda 2030.

Les négociations entre les Etats ont duré plus de 2 ans. L’organisation même des réunions, avec des groupes de travail ouvert, cassant les postures traditionnelles des Etats, et insufflant une participation nouvelle de la société civile, améliorable mais honorable, ont permis d’aborder de nombreux points :

  • Une certaine idée de contrat social est passée dans ces ODD : protection sociale, égalité femmes-hommes, des questions auxquelles la France est attachée, et qu’elle et d’autres pays ont défendues dans les négociations.
  • La réduction des inégalités, soit une hausse des revenus des 40 % les plus pauvres supérieure à la croissance des revenus de la moyenne de la population (cible 10.1) – fut âpre à négocier. Plusieurs pays comme les États-Unis s’opposaient à cette cible, au motif que son inclusion conduirait à des « débats stériles » et qu’elle était redondante avec des cibles ou objectifs comme la croissance économique ou l’accès équitable aux moyens de production. D’autres pays comme la Chine et l’Indonésie faisaient valoir qu’une telle cible était injuste dans la mesure où les pays en développement s’en tenaient plus éloignés que les pays de l’OCDE. Sous leur pression, la cible fut retirée du brouillon de la liste des ODD courant 2014. On doit sa réintroduction dans la liste finale à l’insistance du Danemark, de la Norvège et du Brésil [1].
  • Les territoires auront un rôle à jouer pour la mise en œuvre de cette feuille de route. Ils n’ont pas tous les mêmes compétences dans tous les pays, mais dans les grandes lignes, ils ont une forte capacité d’investissement sur des projets d’infrastructures, d’usages, d’aménagements et une proximité avec les habitants qui doivent être embarqués. Et enfin, ils ont un rôle de facilitateur pour les partenariats.

 

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4D a été à l’un des co-auteurs des premiers textes qui ont circulé pour les territoires durables. Il fut signé par tous les groupes majeurs et fut une contribution à la création d’un objectif « villes durables ». Ici les ONG ont poussé pour que l’idée de la ville durable ne soit pas qu’intelligente par la technologie ou ses réseaux mais par ses acteurs, son organisation, sa gouvernance. Des enjeux pour lesquels il faut être vigilant dans les temps de la mise en œuvre.

Certains objectifs et cibles montrent que des débats restent ouverts :

  • L’objectif « alimentation. » Il fait le lien entre la faim et les systèmes de production alimentaires. Sans toutefois privilégier ou exclure un modèle agricole particulier. Il est fait référence aux agricultures familiales dans certains cas. Les moyens de mise en œuvre associés, visent à renforcer un tissu social et économique, prolongent le modèle actuel en préemptant une correction des dérives des marchés, des gaspillages, une répartition équitable des réserves alimentaires mondiales. Une approche universelle de cet objectif pourrait s’entendre par une disponibilité de 3000 kcal/hab./jour largement suffisant selon la FAO (au lieu de 4000 kcal/hab./jour dans la zone OCDE-1990) ce qui aurait des conséquences positives en termes de santé publique en diminuant les risques de sous-alimentation dans les pays en développement, mais également en limitant la surconsommation qui favorise la survenue de maladies liées à l’alimentation, comme l’obésité dans les pays développés.
  • Un autre débat d’idées, plutôt fervent au sein de la société civile. La croissance économique peut-elle encore aboutir mécaniquement à un rattrapage entre pays ? L’objectif 7, « Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous » vise une croissance soutenue pour tous les pays et d’au moins 7% dans les PMA, en tirant la productivité vers le haut et en innovant sur le plan technologique garantissant le plein emploi et s’attachant à ce que la croissance économique n’entraîne plus la dégradation de l’environnement. L’énoncé même de l’équation est ambitieux. Les négociateurs ne s’y sont pas trompés, ni l’intégration de la RSE ni une hypothèse réaliste d’un découplage croissance / ressources naturelle n’ont trouvé d’accord, mais cet objectif et ces cibles supposent à eux seuls des correctifs et une réorientation des pratiques des acteurs publics comme privés. Citons simplement que près de 21 millions de personnes sont victimes du travail forcé. Dans l’économie privée, le travail forcé génère 150 milliards de dollars de profits illégaux par an.

 

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Conserver la philosophie des ODD pour leur mise en œuvre

Si l’atterrissage national et local nécessite une appropriation et une adaptation par rapport à un contexte local, il ne faut pas perdre de vue la philosophie des ODD adoptés par les 193 Etats :

  • Plus qu’une mise en œuvre des 17 objectifs tous ensembles, une cohérence d’ensemble et donc a minima un effort pour identifier les synergies et les conflits pour renforcer une approche cohérente est à rechercher dans l’année à venir.

 

La Suède pour son plan d’action de mise en œuvre de l’agenda 2030 demande à tous les ministères, pour mars 2017,  de revoir leur propre portefeuille à l’aune des ODD et leurs budgets pour voir en quoi leurs actions contribuent à l’agenda 2030. La prise en compte autant des synergies que des conflits est primordial. Puisqu’il ne s’agit pas seulement de suivre une tendance, une évolution mais de mesurer un impact, cela peut se mesurer via des indicateurs d’obstacles. Des indicateurs qui indiquent en quoi la politique ou la stratégie évaluée dévie d’un des 17 objectifs. 4D avec la campagne post 2015, transition pour un monde juste avait défendu cette idée.

 

  • L’agenda 2030 est ambitieux. Il se réalisera d’autant plus en cohérence avec l’Accord de Paris et surtout la révision des ambitions, les contributions nationales et les mises en oeuvre réelles au sein des coalitions. Il s’agit d’avoir une lecture dynamique du processus et pour faire preuve de pédagogie vis-à-vis du grand public, il est essentiel  d’analyser les enjeux pour la France sur la base de critères de succès, explicites et partagés permettant d’objectiver le regard que chacun portera sur les prochaines étapes. Pourquoi le plan d’action et sa mise en œuvre sont satisfaisant ou non. La mobilisation d’initiatives engageantes et coopératives sera renforcée par les progrès dans le suivi et l’agrégation des résultats des engagements, dans la durée. La crédibilité des initiatives sera garantie par des études d’impacts. La proposition qui découle de cette lecture du processus est de créer un institut de la redevabilité. 4D se penche justement sur ces questions.

Ce qu’il faut dépasser :

  • Le piège de la complexité
  • Un fonctionnement en silo
  • Une approche top down
  • L’incapacité à décider dans l’incertitude
  • L’insuffisance démocratique

 

Save the date :

L’analyse et la contribution de 4D aux premières étapes de mise en oeuvre se poursuite avec un rôle de grand témoin lors du séminaire du CFSI : Coopérer sur des enjeux partagés : une alternative à l’aide ? le vendredi 25 novembre 2016.

 

Nous serons aussi présents lors du Sommet du partenariat pour un gouvernement ouvert pour contribuer à cette convergence des transitions numériques et pour le développement durable.

 

[1] Entretien Tancrède Voituriez, IDDRI, juillet 2015