A Douz, récit d’une conversion agricole réussie aux portes du désert tunisien

#Imagine2050 #OurLife21Tunisie

 

LOGO-OURLIFE21-coulVLLa famille d’Olfa habite à Douz, une petite ville située dans le sud de la Tunisie. Douz, la « Porte du Sahara » comme on l’appelle ici, pays des bédouins, avec ses palmiers dattiers qui font sa renommée,  ses dromadaires, qui attirent les touristes. Toute petite déjà, Olfa  avait les yeux rivés au loin, sur l’immensité du désert et sur le monde, qu’elle aspire à découvrir.

En 2010, Olfa a 22 ans et travaille dans un hôtel de la ville comme cuisinière. Un travail qu’elle apprécie, sans plus, mais qu’elle préfère au travail à l’exploitation de dattes. Ce travail elle le connaît bien. Son père et son frère y travaillent. L’exploitation leur rapporte de quoi vivre, et toute la famille y est fortement attachée. Pour autant, tous savent ici qu’il faudra s’adapter, au manque d’eau, aux difficultés économiques récurrentes… Son père semble se résigner, derrière son apparente fierté. Mais elle, elle a du mal. Là-dessus, avec son frère, ils s’entendent bien – ce n’est pas le cas sur tout loin de là ! Tous les deux aimeraient développer de nouvelles activités. Car ils sont attachés à leur Sud – on ne quitte pas la porte du désert comme ça… Mais désirent s’intégrer au marché économique. Olfa a étudié deux années à Tunis, le commerce et la gestion. Elle souhaite mettre ses compétences. Aymen, lui, est attaché à ses terres comme à ses tripes, et rêve de rouvrir l’âge d’or de son oasis. Olfa essaie de le convaincre de lancer un commerce de produits dérivés de dattes. De quoi développer une activité économique prospère et avoir un mode de vie moderne, ici aux portes du désert…

EN 2010…

La famille habite dans une maison traditionnelle en terre dans la ville de Douz, une ville du sud de la Tunisie connue comme la « porte du Sahara », qui abrite 27 000 habitants. Ils habitent une maison traditionnelle de 200 m2. Les activités de la famille tournent autour de l’exploitation agricole de la maison, et notamment des palmiers dattiers. Ahmed, le père, et le fils Aymen, qui a 25 ans, vont en voiture à l’exploitation quotidiennement pour assurer la production des dattes. La mère, Latifa, est à la maison et prend en charge les tâches ménagères et la cuisine. Olfa travaille dans un hôtel de la ville comme cuisinière. Enfin, Asma, la petite dernière passe son baccalauréat cette année et donne un coup de main à sa maman durant son temps libre.

Changement climatiques et instabilités économiques pèsent sur l’avenir de cette famille

Le sud tunisien est déjà dans une situation de stress hydrique, l’exploitation des ressources d’eau souterraine est à une capacité de 210% ; cette situation pèse sur l’activité agricole qui devra se moderniser pour s’adapter aux impacts.

Par ailleurs, la génération de Olfa, Aymen et Asma, la petite dernière est confrontée à un chômage persistant. Les trois enfants de la famille auront beaucoup de mal à trouver un travail qui les satisfait et qui correspond à leurs études.

Les enfants décident de monter leur propre affaire de produits dérivés des dattes. Pour cela, ils ont bénéficié de formations gratuites en montage de projet, recherche de financement, données par des associations et l’Etat. Ils devront compter sur un appui de l’État, via des subventions et des prêts pour les petits entrepreneurs qui cherchent à monter des projets durables. L’agriculture biologique et les projets de protection des oasis seront notamment éligibles à ces subventions.

Des consommations d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre peu élevées

Les consommations de cette famille sont assez peu élevées. En effet, la maison de conception traditionnelle possède une bonne isolation et permet de ne pas utiliser de climatiseur malgré des températures très chaudes à l’extérieur. Cependant, le montant de la facture est un poids sur le budget de la famille.

Pour réduire sa facture énergétique, la famille a remplacé les ampoules de la maison par des LED. Elle pourra également bénéficier d’une subvention de l’Etat pour acquérir en 2030 une installation photovoltaïque. En moyenne, la production de ces panneaux couvre 70% des besoins de la famille. Le foyer est connecté au réseau, l’énergie non consommée est directement injectée dans le réseau.

Son processus de transition à horizon 2030

 Pour faire face au problème de la sécheresse, la famille a opté pour plusieurs changements au niveau de son exploitation :

  • Un nouveau système d’irrigation localisée est installé. Des systèmes d’économies d’eau ont aussi été imposés par l’Etat pour réduire la consommation via des techniques d’irrigation nouvelles et des matériels d’économies d’eau distribuées.
  • La famille a recours à un majel pour récolter l’eau de pluie ;
  • La fertilisation des sols et une optimisation de la gestion des déchets, par des pratiques de méthanisation, permettra  également de réduire les émissions.
  • Ces systèmes sont financés majoritairement par des fonds étatiques qui bénéficient de prêts/dons de bailleurs internationaux.

 Enfin face au chômage, les membres de la famille sont engagés dans différentes structures :

Le fils aîné dans une association qui agit sur les problèmes environnementaux et agricoles avec les groupements d’agriculteurs locaux. Cette association apporte des formations, et crée des échanges de bonnes pratiques dans le but de renforcer les capacités des agriculteurs et de défendre leurs intérêts. Il a aussi lancé sa propre entreprise de valorisation de dattes, avec l’aide de la benjamine. Des aides et des formations ont été accordées par l’Etat. Ces formations sont données à travers des centres de formation coordonnées par une agence étatique. Des sessions sont régulièrement organisées, sur le montage de projet, sur la recherche de financement et les aides qui existent, sur la communication, pour aider les entrepreneurs à se structurer. Par ailleurs, il est aussi en contact avec une association qui l’accompagne dans le développement de son activité.
Les femmes sont impliquées dans une structure qui soutient l’entreprenariat des femmes. Ce genre de structure se développe beaucoup dans les régions agricoles et ont pour but d’aider les femmes à valoriser leur savoir-faire, notamment sur le plan de l’artisanat et des pratiques traditionnelles. Elles commercialisent aussi leurs produits auprès des touristes dans une logique équitable.

Toutes ces structures et regroupements sont issus de la société civile qui se renforce et s’organise peu à peu depuis la révolution de 2011. Elle a bénéficié de fonds de bailleurs internationaux, d’échanges avec des associations étrangères, mais aussi de l’engagement actif de jeunes qui travaillent directement sur le terrain.

Par ailleurs, l’hypothèse retenue concerne la construction d’une centrale photovoltaïque dans le désert près de Douz. Celle-ci offrira des opportunités d’emplois pour la population locale (techniciens, ingénieurs, personnels de logistique…).

Les conditions de la transition

  • Soutien étatique au développement des énergies renouvelables. Le besoin de financement pour le développement des EnR est estimé à 7 926 millions de $ d’ici 2030 pour atteindre l’objectif de 30% renouvelable dans le mix énergétique. Ces investissements proviendront pour la grande majorité des aides internationales.
  • Le développement de grands projets de production d’énergies renouvelables en partenariat avec  des acteurs internationaux.
  • Le cadre législatif attendu pour début 2016 devra permettre de favoriser les énergies renouvelables (tarifs d’achat, autoproduction…).
  • Adaptation au changement climatique et politique publique de protection des oasis et promotion de modèles d’agricultures durables à travers des aides, des formations, des campagnes de sensibilisation des agriculteurs (besoin de financement des mesures d’atténuation dans le secteur agricole à 967 millions US$).
  • Renforcement de la société civile : organisation et implication dans la gouvernance locale. => Une réelle volonté pour inclure les représentants de la société civile dans les décisions politiques. Cela suppose aussi que les organisations associatives doivent mieux se structurer, se professionnaliser, acquérir de l’expérience et de la crédibilité.

 

Les jeunes Tunisiens imaginent 2030 et partagent leurs récits… Découvrez leurs visions !

La Tunisie est considérée comme le pays méditerranéen le plus exposé aux effets des changements climatiques, avec une large part de sa population concentrée en ville et le long des côtes. prioriterreAvec un niveau d’émission qui reste relativement peu élevé, et de fortes vulnérabilités, concernant ses ressources en eau ou les risques de catastrophes naturelles, le pays s’engage, dans le cadre de l’Accord de Paris, sur la voie d’un développement sobre et résilient. La Tunisie est à ce jour largement dépendante des importations d’hydrocarbures. A horizon 2030, le pays mise sur la transition énergétique, et les coopérations internationales pour relever les défis qui sont les siens : l’indépendance énergétique, le renouvellement de ses modèles agricoles et touristiques, et la démocratisation de la société.

Comment peuvent évoluer les modes de vie des populations en Tunisie d’ici 2030 si l’on se place dans la perspective d’un développement durable ? Les transformations en cours influeront sur le pratiques alimentaires, les moyens de transports, le logement, les moyens de communication…  Au Nord, au Sud, en ville, en zone rurale, qu’elle soit modeste ou aisée, agricultrice ou ouvrière, étudiante ou retraité… chaque personne doit pouvoir s’inscrire dans une perspective de vie réussie au 21e siècle.

#Imaginons2050

#agispourleclimat

Les récits proposés ici ont été co-construit par 7 jeunes Tunisiens, en 2015, dans le cadre d’un atelier animé par Prioriterre, à Tunis. Les 7 jeunes ont été sélectionnés pour la diversité de leurs profils, leurs différentes origines géographiques. Parmi eux, des étudiants paysagistes, des militants sur les questions d’environnement, d’accès à la culture, des droits des femmes. Cet atelier s’est déroulé sur 5 séances, entre le 11 juillet et le 11 octobre 2015, et a été organisé en partenariat avec l’Institut Français de Tunisie. De Mourouj à Douz en 2030, récit en image, et en vidéo.

 

Découvrez la vidéo réalisée par les jeunes Tunisiens

Découvrez le récit de la famille de Fatma et Skander, à Mourouj

Plus d’information sur le contexte tunisien

 

Le travail de projection dans un futur durable et désirable s’est focalisé sur deux familles types :

  •  Une famille avec 3 enfants, ou plutôt jeunes, âgés de 20 à 25 ans, habitant dans le sud de la Tunisie à Douz, aux portes du désert. Exploitants dattiers, ils s’interrogent sur l’avenir de leur activité alors que le changement climatique menace la ressource en eau. Les jeunes appartiennent à une génération qui se heurte au chômage, mais qui, connecté au monde, ne manque d’idées pour innover et développer des alternatives. Le développement économique, les activités agricoles et la gestion des déchets sont au cœur des problématiques de cette famille.
  • Une mère avec son fils de 8 ans, qui habitent à Mourouj, dans la banlieue de Tunis. Téléopératrice, elle jongle avec le temps et les moyens de subsistance pour offrir un avenir à son fils. Leur première problématique sera de pouvoir améliorer le confort résidentiel de leur petit appartement.  Leur localisation les expose par ailleurs à des risques de catastrophe naturelle.
  •  Les profils de famille ont été élaborés à partir de variables démographiques, économiques, sociales de la Tunisie en 2010.
  • Dans le cadre de l’exercice de projection participative, les profils de famille 2030 sont définis à partir d’une situation 2010, en identifiant les facteurs de changement.
  • Les « personnages » ont été projeté jusqu’en 2030, la transposition en 2050 réalisée pour les autres pays n’a pu être réalisée à ce stade et est envisagée dans la suite du projet.
  • Dans tous les cas, la situation de la famille s’inscrit dans une trajectoire de vie réussie, durable et désirable, permettant de s’adapter aux impacts des changements climatiques et de contribuer activement à la lutte contre ceux-ci.