L’agenda 21, saison 2

Point de vueLes agendas 21 locaux sont maintenant engagés depuis 20 ans. Issus du Sommet de la Terre, ils sont la traduction la plus concrète des suites de Rio 92. Ces approches territoriales sont une des modalités essentielles de la transition des territoires vers un mode de développement écologique, soutenable et socialement équitable, dans leur forme, dans leur gouvernance et leurs modalités d’organisation, dans leur contenu. Il est temps, en 2012, que ces agendas 21 ou projets territoriaux de développement durable sachent prendre le tournant nécessaire à leur véritable transformation.

Par Laurence Ermisse

C’est parce que les territoires, premier niveau démocratique, opéreront ce virage à toutes les échelles, du régional aux agglomérations, villes, villages, quartiers et avec tous les acteurs, dans leur articulation avec le national et l’international, que les objectifs d’adaptation aux changements climatiques, de changements de modes de vie et de production, de préservation de la biodiversité et des ressources et de cohésion sociale pourront être atteints.
Or, cette transition n’est encore qu’à ses balbutiements : Rio+20, doit être la rampe de  lancement d’une nouvelle ère, celle de territoires durables et soutenables, qui assureront le bien-être et la satisfaction de leurs populations tout en se souciant et en intégrant le devenir
de celles de l’ensemble de la planète.
Dans un monde où les ressources se raréfient à grande vitesse, il faut passer de la démesure à la mesure, de la surconsommation à la protection des ressources naturelles et humaines, des rapports de forces et d’individualisme à la solidarité et la coopération. Les inégalités héritées du siècle dernier doivent être résorbées par un nouveau rapport au politique et à l’espace.
Si Rio 2012 n’a été qu’une étape, il faut aujourd’hui fixer des objectifs de développement durable pour les territoires, quantifiés, quantifiables, déterminés, qui puissent servir de guide à tous les acteurs. Ils doivent se traduire par des engagements concrets, dont le suivi et l’évaluation seront intégrés dans les process et accompagner ainsi cette transition des territoires.

Cette nouvelle ère doit s’appuyer sur un certain nombre de fondations fortes, socle de résistance des territoires aux aléas et d’adaptation aux enjeux de développement durable :

Le défi démocratique et les ressources humaines, l’enjeu central
Connecter les forces vives du territoire à « ce » territoire, renouveler les modes d’implication et de démocratie locale pour un avenir co construit et choisi, s’appuyer sur les ressources humaines et sociales, telles sont les bases d’une solidification locale et d’une capacité d’une communauté territoriale à prendre son destin en main. Formation, sensibilisation, renouvellement de la gouvernance, co action, décision partagée, implication, sont les modalités pour dynamiser les pratiques démocratiques locales et faire que le projet ainsi défini soit sous la responsabilité de chaque « pore » du territoire.

La vision prospective, l’avenir partagé et le projet de vie collectif

Pour se concrétiser, le développement durable a besoin d’éclairages sur les horizons lointains (2030-2050) et de visions partagées sur l’avenir. Anticiper l’impact du changement climatique, imaginer les comportements et modes de vie de demain nécessitent de connaître ces contraintes à long terme pour les projeter sur le territoire et s’y adapter. L’exercice prospectif est une expérience créative à conduire collectivement pour donner un sens au présent, une perspective à long terme, il sert le projet d’agenda 21, dans ses composantes philosophiques, humaines et stratégiques. Il doit être un des fondements de
l’action territoriale parce qu’il permet de se mettre d’accord sur des valeurs communes, de construire le vivre ensemble et d’élaborer une communauté de destin en accord avec les contraintes actuelles et futures.

La co responsabilité et l’intérêt général

Animateur des territoires, le niveau politique de la collectivité doit être en capacité de collecter les différentes composantes de l’intérêt général pour asseoir le projet et la responsabilité partagée des résultats. Il doit donc être en capacité d’emmener, de partager, de mobiliser l’ensemble des acteurs et habitants de son territoire, pour construire ce nouveau paradigme de développement de vie commune dont il est question et construire cet intérêt général basé sur un nouveau modèle de développement.

L’innovation, l’expérimentation et la mise en réseau, moteurs de la transition
C’est dans le creuset de leurs expérimentations que les territoires réussiront leur transition et pourront être armés pour résister aux défis, trouver des modèles de développement adaptés et respectueux des ressources, de l’environnement, s’appuyer sur les capacités internes, imaginer de nouveaux modes de financements, de partenariats, de coopérations. L’innovation, l’expérimentation, le renouvellement des modes de faire locaux et institutionnels sont fondamentaux. Il faut pour cela créer les conditions juridiques et institutionnelles capables d’accueillir ces nouveaux modes de faire et d’une certaine
souplesse dans les dispositifs.

– L’inter territorialité, la coopération décentralisée, le principe de subsidiarité
L’action conduite à une échelle territoriale et transversale permet de mettre en cohérence les politiques plus sectorielles, de leur donner du sens et donc de donner à travers cela une nouvelle vision politique et d’avenir du territoire. L’inter territorialité, la coopération entre territoires et surtout le principe d’articulation entre les niveaux et compétences doivent être des attributs clés qui régissent le fonctionnement local et assurent une plus grande efficacité
et efficience de l’action publique. A mesure que les contraintes sur les ressources et les impacts environnementaux deviendront plus pressants, il faudra mettre en place des systèmes de péréquation entre territoires. Il sera alors encore plus nécessaire d’articuler les planifications et les programmations entre niveaux territoriaux. Tout l’enjeu est de préparer les institutions démocratiques représentatives à un processus de co construction qui associe durablement
les acteurs et les relais clés du territoire et de construire des tissages territoriaux qui fassent fi des compétences et raisonnent en complémentarité et cohérence vis à vis d’un objectif commun.

La toile de fond, le tissage du territoire, les liens, la résilience comme base
Pour rentrer en résilience, l’image de la toile d’araignée comme fabrique pour renforcer sa résistance aux risques et construire son avenir est assez juste. Rien de tel donc que de tisser des liens entre compétences, individus, intérêts, envies pour ajuster au mieux un projet de vie à une communauté d’intérêts.

Les axes des territoires en transition :

Pour assurer la transition écologique des territoires, des thèmes doivent absolument être intégrés dans les politiques locales et en particulier ceux de la réduction des inégalités, l’évolution des modes de vie, la culture, l’écologie urbaine, la relocalisation de l’économie et la mobilisation des moyens financiers, la formation des acteurs et l’insertion. Ils doivent être au coeur des débats d’aménagement, de développement local et de la ville, des questions d’articulation entre rural et urbain. Lorsque les crises inquiètent et dépassent tout un chacun dans leur dimension, le niveau local prend une dimension toute nouvelle où l’action est possible, où on est capable d’avoir une prise sur son développement et les choix y afférents.

– Le ré ancrage des activités et l’accompagnement de l’économie locale dans sa transformation écologique
« Rendre le territoire indispensable aux entreprises pour qu’elles ne puissent plus s’en défaire ! », un voeu pieux ? Non. Les territoires sont en capacité de trouver les moyens et les modalités d’organiser la territorialisation des activités économiques et de l’emploi dans un souci d’équité, de diversification et d’enrichissement des activités, de préservation des ressources et de valorisation des richesses locales.
Ils doivent reprendre la main sur l’insertion de l’économie territoriale dans les échanges à l’échelle nationale, européenne et mondiale et construire de nouvelles modalités de gouvernance et de structuration économique territoriale. La maitrise de son développement est une clé de réponse pour le territoire : il doit rapprocher la sphère de la production de celle de la consommation, trouver des solutions alternatives, améliorer ses connaissances du territoire et anticiper les besoins en compétences et ressources locales.

– La diversité des approches, des modes de vie, des cultures
Pour combattre les logiques de la relégation sociale, permettre aux savoirs populaires et aux cultures les plus diverses de participer à la vie sociale du territoire, pour cultiver chez les habitants la fierté d’être partie prenante de « ce » territoire, et pour contribuer aux « Objectifs du millénaire pour le développement » et construire les « Objectifs de développement durable », dans un esprit de solidarité avec le reste du monde, les territoires, en agendas 21
ou autre formes de projets de développement durable, doivent s’engager résolument à faire vivre cette diversité de cultures, d’approches, de modes de vie dans le respect des contraintes écologiques.

– Le moteur : la ville durable, connectée et inclusive
La ville devient le lieu et le mode de vie le plus répandu sur la planète. Sa transformation est un facteur clé de la métamorphose des territoires de demain, tant dans leur fonctionnement, aptitude à préserver et valoriser les ressources, que dans leur capacité à fournir les conditions du bien-être et du bien vivre sur un territoire. Cette transformation doit être radicale. A la vitesse où la population grandit, les villes s’étendent, les besoins et services s’accroissent, on ne peut plus se contenter de politiques a minima. Il faut renverser les modes de gestion, travailler sur le logement, un logement adaptable aux temps de la vie et
adapté à l’environnement urbain et environnemental, à la réduction drastique de la consommation d’énergie. Il faut construire une ville dense, compacte, polycentrée, qui prend en compte les aspirations modernes des habitants, une ville partagée dans ses espaces et ses services et articulée avec les espaces ruraux, dans des logiques de complémentarité et d’articulation, une ville inclusive de toutes ses populations.