L’humanité a rendez-vous à Paris en décembre 2015. Avec elle-même

Par Pierre Radanne

Un nouveau cycle de négociation s’ouvre, le 4ème. Après la confirmation du changement climatique en 1985, le 1er rapport du Groupe Intergouvernemental des Experts du Climat (GIEC) a débouché sur un traité international adopté par tous les pays, la Convention de Rio de 1992,  qui reconnait le changement climatique et appelle les pays à agir en fonction de leurs responsabilités et capacités. Après le constat d’un engagement insuffisant dans la lutte contre le changement climatique, le Protocole de Kyoto a franchi une avancée avec la fixation pour les pays développés d’engagements de réduction de leurs émissions pour la période 1990-2012. Mais sans les Etats-Unis. Le cycle de négociation suivant a été marqué par de grandes difficultés : les engagements repris par les pays développés  pour la période 2013-2020 ont été très insuffisants pour endiguer le changement climatique. Mais surtout de nombreux pays ont commencé de se désengager du Protocole de Kyoto par refus des obligations juridiques qu’il implique. Il s’agit du Japon, de la Russie, de la Nouvelle Zélande, tandis que le Canada est purement et simplement sorti du Protocole de Kyoto et s’est placé dans la même situation que les Etats-Unis. L’horizon de 2020 se rapprochant déjà, s’engage un 4ème cycle de négociation.

Les rapports successifs du GIEC sont toutefois parvenus à faire reconnaître un objectif commun : rester en deçà d’un réchauffement de 2°C car au-delà, c’est la capacité à nourrir une humanité qui atteindra 9,5 milliards d’habitants en 2050 qui se trouve compromise. Ces dernières années, les pays ont fini par s’accorder sur cette obligation. Et elle a des conséquences majeures. D’abord, tous les pays doivent contribuer à la lutte contre le changement climatique. Riches et pauvres. Dans des proportions évidemment variables. C’est donc la question même de la forme de développement qui se trouve en débat. C’est dire qu’il va falloir dépasser et résoudre les inégalités héritées de l’histoire.

Cette montée des enjeux a impliqué des changements de méthode de négociation en mobilisant d’abord les chefs d’Etat et de Gouvernement. Ce fut l’objectif du Sommet organisé par Mr. Ban Ki Moon le 23 septembre à New York. Le calendrier va être ensuite très serré : définir la façon de répartir des efforts lors de la conférence de Lima de début décembre. Amener après chaque pays à définir sa contribution pour le début du printemps. Ensuite, le plus dur, ajuster dans la négociation pendant les 6 mois qui suivent les engagements des pays afin qu’ils soient équitablement répartis mais aussi qu’ils garantissent de rester en deçà d’un réchauffement de 2°C. La conférence de Paris de décembre 2015 doit enfin aboutir à un accord politique intégrant tous les pays.

30 ans après la compréhension de processus du changement climatique, la négociation entre dans le dur. Si l’on ne parvient pas à des engagements suffisants de la part des pays, la dégradation du climat va vite devenir irrattrapable. Or, les relations internationales se sont fortement dégradées ces dernières années tandis que la crise économique et financière a réduit le soutien financier aux pays en développement.

Réussir la conférence de Paris implique de progresser sur 3 fronts :

  • la négociation entre Etats avec des engagements élevés mais aussi qui soient effectivement tenus dans la réalité ;
  • la mobilisation dans l’action à tous les niveaux : les Etats, les entreprises, les collectivités locales, les citoyens. Bref parvenir à mettre toute l’humanité en marche. Dans le sens d’un usage plus efficace de l’énergie, de la valorisation des énergies renouvelables à la place de l’utilisation des combustibles fossiles, de la généralisation du recyclage, de la protection des forêts… Autant de choix et d’actions positifs pour l’humanité toute entière. En termes de réduction des impacts négatifs, mais surtout de créations d’emplois, de réduction des dépenses, de cohésion sociale, d’accès au développement…
  • Cela implique que chacun doit non seulement comprendre ces enjeux décisifs, mais aussi que chacune ait des garanties quant à ses conditions de vie ainsi que pour ses enfants. La conférence de Paris doit être la première qui s’adresse à la personne.

Progresser sur les deux derniers points est essentiel pour remonter le niveau de la négociation internationale. On est au pied du mur, car on ne peut pas reporter l’échéance. Pendant que les pays se renvoient la balle. Le climat se dégrade. Irrémédiablement.